C’est toujours avec une pointe d’appréhension que l’on va voir un DJ en concert (en configuration salle de concert et non pas night-club). D’ailleurs, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire "voir" un DJ ? On écoute sa musique, on peut admirer sa dextérité aux platines (enfin ce qu’on en voit, ce n’est pas si évident) ; mais ce n’est pas vraiment comparable à un musicien traditionnel et son instrument.
Et pourtant, "voir" est un des points principaux de ce show. Car oui il faut bien parler de show tellement le spectacle est grandiose ! La vidéo occupe en effet une place aussi importante que la musique et le travail qui a été fait dessus est admirable.
Le DJ se situe toujours au centre de la scène, avec ses platines et une petit batterie, histoire de varier un peu les plaisirs. Mais il est immergé dans l’image : il est entouré par trois grands écrans qui lui font comme un écrin pour le mettre d’autant plus en valeur. L’effet est saisissant et très bien dosé. Il est fréquent qu’avec ce type de dispositif, nous soyons absorbés par l’image, oubliant quelque peu le personnage principal. Mais ici les images et l’éclairage sont travaillés de telle sorte que l’équilibre est respecté. L’effet s’intensifie lorsqu’un quatrième écran (translucide pour que le DJ reste visible bien sûr) est tendu sur le devant de la scène : Shadow est ainsi littéralement baigné dans l’image.
Le concert est conçu comme une boucle, un fil que se déroule pour finalement retrouver son point de départ. L’ouverture est cosmique, nous sommes projetés dans le cosmos et la musique est saisissante, physiquement : les basses font trembler tous les os du corps. La grande force du dispositif réside dans la correspondance parfaite entre la musique et l’image : chaque battement est représenté, chaque variation de musique a une influence sur la couleur, la forme. Chaque morceau nous emporte ainsi dans une thématique, un univers parsemé de technologies modernes et inquiétantes, des forêts profondes et de pures formes colorées abstraites. Les styles musicaux sont également très variés, entre méditation spatiale, trip-hop, rap et hip-hop scratchés.
Cerise sur la gâteau, le personnage est sympathique. Il parle régulièrement entre les morceaux au public, raconte combien il est content de revenir à Paris, d’être là et de pouvoir jouer sa musique. Mention spéciale à son t-shirt écrit en de nombreuses langues différentes : "Désolé pour notre président".
L’expérience vaut donc le détour, tant musicalement que visuellement, les deux étant inextricablement liés. Grâce à l’évolution des techniques de diffusions de l’image et des logiciels de V-jing, on ne peut qu’espérer que ce genre de set se multiplie dans le monde de la musique électronique !
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