Monologue dramatique écrit et mis en scène par Frédérique Keddari-Devisme et interprété par Elizabeth Mazev.
Si l'on dit tout de go qu' "A 90 degrés" est un "seul-en-scène" sur l'addiction d'une femme à l'alcool, on risque de faire fuir les ennemis du pathos et ceux qui pensent que ce parcours balisé entre chutes et rechutes manquera d'originalité.
Qu'ils se rassurent les uns les autres : Frédérique Keddari-Devisme a écrit un texte "sobre" qui balaie toute la vie de Marthe prise dans ses peurs domestiques et amoureuses et conduites par elle dans l'enfer de la boisson. Pour couronner le tout, elle a confié son bébé à Elisabeth Mazev, qu'on avait vu admirable dans "Les tribulations d'une étrangère d'origine". Ici, elle confirme sans peine qu'elle est une des meilleures comédiennes françaises. Elle bénéficie d'un texte sérieux, carré, qui traite son sujet sans jamais le maltraiter. Frédérique Keddali-Dewisme sait écrire et bien, peut-être manque-t-elle tout juste un peu de fantaisie. Jamais Marthe ne saura "jouer" avec son alcoolisme. Cela maintient le texte dans un monologue qui défile sans hauts et sans bas, dans une espèce de registre où la maladie alcoolique est racontée avec précision. On pourra qualifier la description de "clinique". Sans jamais être didactique, et heureusement en usant d'un parler populaire assez riche en expressions imagées, "A 90 degrés" tient le coup pendant plus d'une heure. Connaissant l'actrice, on rêve parfois que le texte s'envole et sublime le mal qu'elle combat. Mais, il faut le répéter, Frédérique Keddari-Devisme ne vise pas une émotion qui serait facile à atteindre en surlignant les états alcooliques, en insistant sur les conséquences sociales dans la vie de Marthe, notamment sur ses rapports avec ses enfants. Non, Marthe reste pudique et met une distance, une réserve dans son récit. Rien n'est éludé mais rien n'est exagéré, rien ne sombre dans l'emphase. L'exercice auquel Frédérique Keddari-Devisme s'est soumise n'est pas simple et laisse deviner une véritable plume et une femme qui sait parler de la condition humaine. Elisabeth Mazev porte sa parole avec une grande sérénité rayonnante malgré tout ce qui lui arrive. Elle ne cherche jamais à voler la vedette à son personnage et fait tous les bons choix que Frédérique Keddari-Dewisme doit nécessairement lui demander. Plus qu'un auteure-metteure en scène et son actrice, c'est à un vrai duo que l'on a devant soi pour défendre un texte dont la justesse est évidente. Reste encore à trouver tous les équilibres et tous les déséquilibres entre excès et retenue pour qu' "A 90 degrés" devienne une œuvre "classique". |