Comédie dramatique de Marguerite Duras, mise en scène de Hervine de Boodt, avec Antoine Sastre, Catherine Giron et Hevine de Boodt.
En 2017, on avait pu voir à La Reine Blanche un spectacle "Duras de tout... de rien... de rien du tout" dans lequel Claire Deluca, créatrice notamment du "Shaga", et Jean-Marie Lehec reprenaient des textes écrits par Marguerite Duras avant qu'elle trouve sa voie définitive au théâtre, celle de ses chefs d'oeuvre, comme "Des journées entières dans les arbres" ou "Savannah Bay".
C'est au tour d'Hervine de Boodt de s'emparer de cette Duras mal connue. A la différence de Claire Deluca et de Jean-Marie Lehec, elle a préféré donner intégralement une seule des courtes pièces absurdes de l'auteur de "L'Amant". "Le Shaga", pour ceux qui l'ignorent, appartient à cette période où Duras, pure auteure "Minuit", subissait l'influence des dramaturges de la maison de Jérôme Lindon, à savoir, bien sur, Samuel Beckett, mais aussi, entre autres, Robert Pinget. Il faut donc s'attendre à être déconcerté par ce qui se joue dans "Le Shaga", sur la scène vide où s'agitent trois personnages aux noms de "lettres : A, H et B, qui se trouve être aussi "le shaga", un étranger à la langue particulièrement absconse. A et H vont s'évertuer à comprendre et/ou traduire ce que dit le Shaga. H, revêtu ici d'une veste et d'un pantalon d'un jaune-vert qui se remarquerait de loin, tient en main, pour ne rien arranger, un jerrycan, par ailleurs troué. Hervine de Boodt s'est délectée de ce texte sans queue ni tête et, contrairement à la mise en scène choisie par Claire Deluca et Jean-Pierre Lehec, a voulu que ces trois personnages soient toujours en mouvement, s'agitent et se dépensent sans compter. On préviendra le spectateur qui s'attend à du "Duras durassien" que, dans les coqs-à-l'âne du trio du "Shaga", il n'en trouvera aucun écho. En passant cinquante minutes dans l'univers déjanté du "Shaga", on s'interrogera donc sur le cas unique d'un écrivain qui a pu à ce point "zapper" son premier style théâtral. Même si, en se remémorant la longue carrière de Marguerite Duras, on ne peut pas dire qu'elle ait jouée toujours le réalisme. Qu'on se souvienne du film "La Musica" ou encore plus significativement des "Enfants", on n'est pas persuadé qu'elle est définitivement tournée la page de l'humour loufoque du "Shaga". Quoi qu'il en soit, Hervine de Boodt et ses deux acolytes, Antoine Sastre et Catherine Giron, ont réussi à redonner vie à un texte de Marguerite Duras qui appartient à une époque bien spécifique, celle d'avant sa petite musique où l'écriture prend le dessus sur la réplique. Au contraire, "Le Shaga" implique un ping-pong vif entre acteurs dont il faut vite prendre la mesure si l'on veut saisir toutes les finesses de la partie jouée par les trois comédiens cités. |