Comédie dramatique de Dorine Hollier, mise en scène par Stéphane Cottin, avec Jean-Paul Farré et Henri Courseaux.
Dans la chambre miteuse qu’ils partagent, Sauro et Mauro les deux frères Carusi, vieilles gloires déchues du Théâtre San Carlo de Naples, semblent prisonniers de leur passé et de leurs désillusions. La faim au ventre, le corps qui se délabre, ils se racontent des histoires scintillantes ou des souvenirs d’enfance. L’un, Mauro (Jean-Paul Farré) ex-ténor est cloué à son fauteuil roulant, l’autre, Sauro (Henri Courseaux), ancien danseur étoile tente vainement d’entretenir sa technique en travaillant à la barre. Leurs échanges font ressusciter leur gloire d’antan. Pour Mauro, c’est Gina son amour perdu qui le tient et, par-dessus cela, pour les deux, le fantôme de la Mamma disparue les hante jusqu’au cauchemar. Dans l’attente de la visite imminente de l’huissier qui doit saisir leur appartement ou de celle, plus hypothétique de Gina, ils se remémorent les douceurs de l’Italie du temps des paradis perdus. Leur complicité permet d’oublier pour un moment, dans les lambeaux de leur carrière, la misère dans laquelle ils baignent à présent. "Fratelli" de Dorine Hollier propose une belle partition pour un duo d’acteurs dans une pièce où la farce et la poésie cachent la gravité de la situation. Ressassant leurs souvenirs et leurs obsessions jusqu’au mirage, les deux frères comme dans "Petit boulot pour vieux clown" de Matei Visniec s’inventent des rêves pour ne pas sombrer. Jean-Paul Farré avec sa gouaille habituelle compose un Mauro braillard et pathétique. Quant à Henri Courseaux, sublime, il campe ce Sauro grandiloquent avec tendresse et panache. Il est époustouflant. Leur face-à-face aux savoureuses répliques se déguste comme une glace italienne. Stéphane Cottin à la mise en scène, dont on se souvient du magnifique "Les combustibles", dirige avec acuité et talent ces deux grands comédiens. Sa scénographie donne au huis clos bien éclairé par Marie-Hélène Pinon une ambiance particulièrement onirique et prenante. Bravissimo !
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