Réalisé par Fellipe Barbosa. Brésil/France. Aventure/Drame. 2h11 (Sortie le 30 août 2017). Avec Joao Pedro, Caroline Abras, Alex Alembe, Lenny Siampala, John Goodluck, Rashidi Athuman, Tonny Lesika et Rhosinah Sekeleti.
Désormais, tous les jeunes Occidentaux de "bonne famille", qui décideront de faire un grand voyage avant de prendre la place "au soleil" qui leur est due dans l’économie mondialisée, devront, au préalable, visionner "Gabriel et la Montagne" de Fellipe Barbosa.
Non seulement, ils s’y retrouveront, mais, peut-être, certains d’entre eux comprendront que tout n’est pas possible pour ceux qui sont faits pour dominer le monde de demain. Car l’exemple du sort terrible de Gabriel Buchman devrait leur parler.
Retrouvé mort une vingtaine de jours après avoir voulu grimper l’ultime montagne au programme de son tour du monde, ce garçon sympathique, sans doute réellement mû par une envie d’aller vers l’autre et de l’aimer, a été victime de sa naturelle arrogance, celle qui lui faisait croire qu’il était un élu promis à toutes les réussites.
"Naïf et arrogant", Fellipe Barbosa, qui a été son ami et vient sans doute du même milieu, l’admet et le dit lui-même. Gabriel avait l’insolence inconsciente de la jeunesse dorée quand elle ne doute pas de sa supériorité. Cela ne l’empêchait pas d’être un jeune homme débordant d’humanité pour tous ceux qu’il croisait.
On s’en rendra aussitôt compte dans le film en voyant ce jeune homme frêle et bondissant capable au premier regard de nouer une relation avec les Africains, une relation allant bien au-delà des billets donnés pour l’aider dans ses quêtes perpétuelles d’absolu. Du Kilimandjaro aux chutes Victoria, Gabriel est avide de ces paysages métaphysiques qui transcendent sa jeune existence.
Dans "Gabriel et la Montagne", Fellipe Barbosa a eu l’excellente idée d’utiliser tous les Africains qui ont croisé Gabriel et de leur faire rejouer les instants qu’ils passèrent en sa compagnie.
Outre la singularité du personnage, qui peut, dans un autocar brinquebalant sur une route africaine, discuter avec sa petite amie des avantages et des inconvénients d’avoir été pris dans une université californienne, puis s’énerver que les gnous n’aient pas l’intérêt qu’il leur supposait, "Gabriel et la Montagne" de Fellipe Barbosa est une plongée concrète dans un continent mal connu.
Jamais l’Afrique n’a paru si proche, tellement à la portée des intrépides qu’elle peut être aussi celle qui les fera chuter, celle qui les engloutira à tout jamais dans sa beauté fatale.
Mieux que les "Connaissances du monde" de jadis, "Gabriel et la Montagne" sera pour tous une source de dépaysement en même temps qu’une réflexion évidente sur le sens de la vie et sur l’absurdité de la condition touristique, surtout quand elle n’est pas assumée par des jeunes gens paradoxaux, qui en refusent le statut, la carte Visa bien planqué dans leur baluchon bohème.
Quoi qu’on pense de Gabriel, on ne pourra oublier cette étoile ardente qui s’est éteinte à l’orée d’une vie que cette escapade en Afrique aurait pu avantageusement transformée pour comprendre, aimer et aider les autres. |