Comédie dramatique écrite et interprétée par Anaïs Muller et Bertrand Poncet sous la direction d’acteur de Pier Lamandé.
De quoi parlent les acteurs entre eux ? D'eux bien sûr, du théâtre, de leur métier et surtout, et toujours d'eux, de manière autocentrée, souvent en posture d'artiste créateur mais également en proie au doute existentiel. Sur cette trame, les jeunes comédiens Anaïs Muller et Bertrand Poncet issus du théâtre national, respectivement celui de Bretagne et de Strasbourg, se sont concoctés une brillante partition au titre polysémique - "Un jour, j'ai rêvé d'être toi" - en forme de variation théâtrale humoristico-dramatique qui s'avère une jubilatoire machine à jouer. Jouer entre eux, jouer avec le public, théoriser sur les codes de la fiction, et surenchérir sur la mise en abîme, façon poupées russes, des comédiens interprétant des comédiens qui sont également en répétition de rôles inversés, s'hybrident de manière aussi époustouflante que virevoltante dans le cadre de la dialectique du théâtre, l'illusion du théâtre vs le théâtre d'incarnation, et celle du dilemme shakespearien de l'interprète, le paradoxe du comédien vs le jeu de l'acteur. Jouer ou ne pas jouer, être soi tout en étant un autre et répondant à des préoccupations personnelles différentes identitaires, telle est la question, à la résonance également bergmanienne, qui alimentent les échanges vifs et kaléidoscopiques de Bert, qui voudrait être une femme mais sans transexualisation, et Ange, en quête de notoriété, dont la nature de leur relation intime - amour, amitié amoureuse, compagnonnage artistique, affinités électives... - demeure tant incertaine que polymorphe.
Intelligente et pétillante, la partition se décline du dialogue de sourds à la ratiocination narcissique en passant par le ping-pong dubillardien et, sous la direction de Pier Lamandé, Anaïs Muller et Bertrand Poncet, compères-complices au remarquable talent, mènent donc le jeu avec autant de brio que d'humour, de sens de l'autodérision et, manifestement, de plaisir.
Un plaisir communicatif et partagé avec et par le public pour cette très réussie première création à inscrire à l'actif de la Compagnie Shindô. |