Animateur de radio, Eric Lange propose un roman situé dans les langes de notre siècle. Avant la crise, avant les voitures kamikazes, avant le lifté sur le trône des States, avant le terrorisme ordinaire. Le titre est évocateur du Mister Hyde en nous, comme une dernière sommation avant de basculer définitivement du côté obscur : Il ne nous reste que la violence.
Dans ce roman noir, Eric Lange prend le parti de décrire la société dans ce qu’elle a de plus abject, de ne voir que le nuage au-dessus de nos têtes et de laisser les oiseaux de malheur nicher au creux de nos esprits.
L’histoire est celle d’un animateur de radio dont le poste est menacé parce que son groupe a été racheté, l’objectif est la croissance, donc de gagner des auditeurs, donc des parts de marché, donc de gratter un max de sonantes et trébuchantes, voire de bons gros chèques pour engraisser le groupe investisseur. La triste histoire de nombreuses entreprises, écrasées par les géants toujours plus voraces.
L’émission phare du narrateur est en passe d’être rayée de la grille des programmes, pas assez banquable. La solution lui vient naturellement : il suffirait que son concurrent disparaisse, il pourrait ainsi récupérer ses auditeurs, faire grimper l’audimètre et d’un même coup ajouter un zéro en bas de sa fiche de paye. Le pire n’est pas qu’il pense sérieusement à cette option, c’est que c’est presque facile. Plus facile que de rebondir.
Loin de provoquer une ultime dépression au traitement pris en charge par une sécurité sociale qui n’en peut plus d’écoper depuis des lustres, Il ne nous reste que la violence est une décharge électrique. En effet, vu sous un autre angle, Eric Lange pointe du doigt le pessimisme ambiant lié uniquement à la peur de se voir retirer les privilèges octroyés à la sueur de nos antécédents.
Et c’est haut et fort qu’il pointe du doigt la violence qui le révolte en intimant à la société de se bouger. A chaque privilège, nous en réclamons un autre, un truc chouette qui tomberait tout cuit dans le bec, de l’argent qui se multiplierait d’un simple claquement de phalanges, de la reconnaissance et des caprices assouvis.
Eric Lange utilise le "je" dans ce roman, mon côté cynique y a vu une part autobiographique qui s’est vite effacée sous la justesse du propos, effarant de réalisme. Il ne nous reste que la violence est un constat, un témoignage de ce que la société est en train de faire de ses humains : une grosse bande d’égoïstes, aussi flasques que le gras libidineux, pas courageux pour deux sous, mais avides de possessions. |