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André Téchiné   (septembre 2017) 

Réalisé par André Téchiné. France. Drame. 1h43 (Sortie le 13 septembre 2017). Avec Pierre Deladonchamps, Céline Sallette, Grégoire Leprince-Ringuet, Michel Fau Rôle, Virginie Pradal, Mama Prassinos, Axelle Equinet et Peter Bonke.

Le dernier film en date d’André Téchiné est une suite continuelle de vertiges. Vertige de l’amour, comme on dirait dans une chanson, entre un homme et une femme qui ne peuvent supporter d’être séparés par la Grande guerre et la mort.

Lui, c’est Paul Grappe (Pierre Deladonchamps), presque timide, mais chez qui la peur provoque des colères soudaines ; elle, c’est Louise, sa femme (Céline Sallette), cousette le jour, peintre de soldats de plomb la nuit.

Alors, Paul fuit l’hôpital militaire où il était gardé pour une blessure au doigt qu’il s’efforçait de ne pas laisser guérir. Louise, pour éviter qu’il ne soit arrêté et fusillé pour désertion, l’aide à se travestir. C’est le deuxième vertige du film, l’ivresse de la métamorphose. Car si Paul hésite un peu avant de devenir Suzanne, il finira par trouver une sorte d’équilibre entre ces deux vies. Jusqu’à ce que la guerre s’achève, et que Paul soit contraint de retrouver son identité masculine.

Troisième vertige, enfin : une construction baroque, où le cinéaste déconstruit sa narration et mêle le théâtre à ce drame intime. L’histoire de la vie de Paul Grappe est mise en scène par un Monsieur Loyal (Michel Fau) ; l’homme y joue son propre rôle, sans doute plus à l’aise en Suzanne qu’en Paul. Cette mise en abime est par moment gracieuse, comme lors des danses amoureuses qui racontent les aventures de Suzanne dans les soirées du bois de Boulogne.

Plutôt que de jouer sur le côté sulfureux de ces promenades nocturnes, André Téchiné compose une chorégraphie douce où les hommes et les femmes s’aiment avec une tendresse somnambulique. Si ce dispositif, peut-être trop présent, fini par alourdir le film, il a cependant le mérite de dénoncer ce que devient cette histoire insolite : un drame de l’intime exposé aux yeux des curieux comme un fait-divers croustillant où Paul, Tirésias moderne, fait office de freaks.

André Téchiné ne se laisse jamais embarrasser par les difficultés inhérentes au film historique. Les scènes du quotidien, en particulier dans l’atelier de couture où travaille Louise, sont particulièrement réussies, simples. Les scènes de guerre, réduites à leur stricte minimum (du bruit, des lumières, de la boue) deviennent un cauchemar aveuglant et assourdissant. "Nos années folles" délaisse le pesant de la reconstitution pour raconter, tout simplement, une histoire d’amour qui tourne mal.

Privilégiant les scènes d’intérieur, il se concentre sur les corps et les visages de ces deux jeunes gens qui s’aiment. Les scènes de retrouvailles, à chaque fois réussies, évoquent les plus beaux mélos. C’est d’abord un visage aperçu à travers une vitre, derrière un rideau. Et puis la figure aimée, la main, le corps. Des réapparitions à chaque fois miraculeuses qui peu à peu s’évanouissent quand Paul délaisse sa femme, et devient un intrus dans son propre foyer.

On a vu ces dernières années plusieurs films qui abordaient la question du travestissement ou du changement de genre (du "Laurence anyway"s de Xavier Dolan à la "Danish girl" de Tom Hooper en passant par de nombreux Almodovar ou Polanski). Comme dans plusieurs de ces films, André Téchiné propose un passage du masculin vers le féminin qui se fait presque sans heurts.

Louise est la complice bienveillante de son mari dans sa métamorphose, et le voir en femme ne diminue en rien son amour et son désir. Mais ce que Téchiné raconte, c’est aussi le retour à une prétendue normalité, retour qui est bien plus douloureux que la métamorphose.

Dépossédé de sa double identité, Paul perd son équilibre et s’effondre, entraînant avec lui Louise. Un enfant remplace Suzanne et détruit l’harmonie. Parce qu’il ne peut pas choisir, Paul se retrouve dans une zone intermédiaire, ne voulant pas être seulement homme, ne pouvant pas devenir femme. Perdu.

Ce désarroi, Louise l’exprime dès la scène d’ouverture du film : "je ne savais plus où j’étais", dit-elle en s’éveillant d’un rêve. Réplique qu’on retrouvera, à peu de chose près, dans la bouche de Paul au bord du gouffre. Et c’est là le dernier vertige.

 

Anne Sivan         
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