Comédie dramatique de Pedro Calderón, mise en scène de Clément Poirée, avec John Arnold, Louise Coldefy, Thibaut Corrion, Pierre Duprat, Laurent Ménoret, Morgane Nairaud, Makita Samba et Henri de Vasselot.
Dans "La vie est un songe", opus emblématique du Siècle d'or espagnol, Pedro Calderón de la Barca décline le credo baroque de son temps, celui du monde assimilé à un théâtre et la vie à un songe, et un argument de la tragédie antique, celui des hommes qui veulent contrecarrer le destin prévu par les dieux. Fable politique et conte métaphysique qui ressort à la comédie héroïque, elle se déroule en trois actes, pour trois journées et trois métamorphoses, avec deux intrigues mêlées qui mènent à la soumission à la raison, à la rédemption et à un dénouement heureux, dans un imaginaire royaume de Pologne dont le trône occupé par le roi Basile dépourvu d'héritier est convoité par de pressants neveux dont un vil séducteur recherché par une jeune fille cherchant à venger son honneur bafoué. Le roi écarte leur prétention en révélant l'existence de Sigismond, son fils légitime qu'il a condamné depuis la naissance, et sous la garde de son fidèle lieutenant Clothalde, à une vie de reclus hors du monde dès lors que ce monarque "éclairé" par l'astrologie croit qu'il a engendré un tyran et en le libérant brutalement pour tester son aptitude au gouvernement des hommes. Pour mettre en scène cette partition, Clément Poirée, conscient de l'écueil résultant du fait qu'elle n'a pas été épargnée par le temps, indique dans sa note d'intention avoir cherché la voix d'"une théâtralité comme en apesanteur, faite d’apparitions, de variations des focales, de métamorphoses, d’élans lyriques démesurés, de bruit et de fureur".
Centrée essentiellement sur la forme, cette théâtralité dispensée dans une scénographie d'obédience "heroic fantasy" de Erwan Creff, appuyée par les lumières crépusculaires de Kévin Briard, et les costumes "ad hoc" de Hanna Sjödin, se traduit par un tempo lent qui accentue l'impression de longueur d'une pièce de format long, qui ne pâtirait pas d'un resserrement, et une juxtaposition de registres de jeu. Ainsi si Thibaut Corrion et Pierre Duprat, respectivement le valet et le neveu bellâtre borgne, officient dans le réalisme, Laurent Ménoret (Clothalde) adopte le ton de la déclamation mélodramatique à la Michel Fau, Morgane Nairaud (Rosaura) celui de la tragédie avec moultes manifestations humorales, et Louise Coldefy (la nièce) campe une princesse-automate importée du théâtre ionescien comme le musicien (Henri de Vasselot) du théâtre brechtien. En roi Basile, l'excellent comédien John Arnold qui se délecte d'une succession de numéros d'acteur et, en Sigismond, Makita Samba, de la jeune garde issue du CNSAD telles ses deux homologues précitées, à la nature comique distribué dans un emploi dramatique, apportent à la pièce un côté ubuesque.
Un patchwork qui séduira les admirateurs de celui considéré comme le plus grand dramaturge ibérique. |