Comédie dramatique d'après un roman de Clarice Lispector, adaptation et mise en scène de Marie-Christine Soma, avec Carlo Brandt, Pierre-François Garel, Dominique Reymond et Mélodie Richard.
La partition de "La Pomme dans le noir" constitue constitue l'adaptation d'une oeuvre la romancière brésilienne Clarice Lispector par Marie-Christine Soma qui la résume comme "à la fois une quête initiatique, un apprentissage du réel, un roman d’aventure ou un western en huis clos qui se joue des déterminismes conventionnels du masculin et du féminin".
Conçue comme une immersion sensorielle, sa transposition scénique, qui commence par un long prologue dans le noir, repose sur une théâtralité intellectualisée conçue comme une traversée au long cours avec une dilatation du temps et une imbrication subtile de récits dispensés de manière tant par un narrateur extradiégétique que par les personnages et de brèves scènes souvent elliptiques.
Car si prosaïquement simple paraît la situation, un criminel en fuite trouve refuge dans une ferme isolée dirigée par une femme d'âge mûr qui y vit avec sa cousine, une jeune femme récemment veuve, l'argument ne relève pas de l'évidence en ce qu'il ressort à la quête et aux thèmes de la résilience et de la révélation, une révélation profane et personnelle, pour trois personnages en retrait du monde.
La scénographie monochrome aux couleurs organiques, celle de la terre et du bois calciné, élaborée par Mathieu Lorry-Dupuy constitue moins un décor qu'elle ne circonscrit un espace spatio-temporel singulier, celui d'un champ de consciences, et le paysage mental des personnages qui vont y évoluer et ce, dans tous les sens du terme, les lumières crépusculaires réglées par la metteuse en scène et les inserts vidéos de Raymonde Couvreu contribuant à une atmosphère d'irréalité proche de l'onirisme.
Marie-Christine Soma signe un très bel opus, de format long, de format long, à la hauteur de celui présenté en 2011 avec "Les Vagues" d'après l'oeuvre éponyme de Virginia Woolf, auteure dont l'écriture sur la transcription de la polyphonie des voix n'était pas sans résonance avec celle introspective de Clarice Lispector qui se définissait comme "une personne qui a prétendu mettre en mots un monde inintelligible et un monde impalpable".
La direction d'acteur est émérite et la distribution idéale avec Carlo Bandt en énigmatique témoin-homme à tout faire, Dominique Reymond, en roc fragile confiné dans un attentisme délétère, Mélodie Richard, silhouette et présence ambivalentes d'innocence, de sensualité éthérée et d'érotisme fantasmé, et Pierre-François Garel qui s'impose par sa puissance de jeu. |