Les oeuvres réalisées au pastel, technique hybride entre dessin et peinture, figurent rarement dans les expositions si ce n'est de manière discrète et annexe dans une section graphique.
Le Petit Palais prend le contrepied en lui consacrant une exposition dédiée - "L'Art du pastel de Degas à Redon" - qui s'avère aussi inédite qu'exceptionnelle en raison de la fragilité du médium qui implique de draconiennes conditions de conservation et donc une présentation publique limitée dans le temps.
Conçue sous le commissariat de Gaëlle Rio, conservatrice au Petit Palais chargée des collections d’arts graphiques des 18ème-20ème siècles, la monstration, présentant la quasi totalité de la collection de ce musée, dresse un panorama exhaustif des courants artistiques de l'Impressionnisme au Symbolisme scandée par les oeuvres de ses représentants majeurs.
L'Art du pastel dans tous ses états
Ordonnée en un parcours chrono-thématique, l'exposition présente un triple intérêt tant pour les amateurs éclairés que pour les néophytes.
En premier lieu, car la période concernée est celle du renouveau du pastel durant la seconde moitié du 19ème siècle après la désaffection qui a suivi son âge d'or du siècle précédent grâce à l'activisme de la Société de pastellistes français créée en 1885 qui a contribué à susciter un réel engouement public.
Ensuite, si le visiteur ne sera peut-être pas surpris d'y trouver l'oeuvre de peintres tels Degas, Ferdinand Velez avec le diptyque monumental des danseuses au crayon noir rehaussé de pastel rose, et Berthe Morisot,
il découvrira celle de pastellistes réputés en leur temps et depuis oubliés pour certains,
Enfin, elle permet la découverte d'une technique virtuose qui peut surprendre tant par son champ qui correspond aux genres picturaux que par son amplitude stylistique du naturalisme au post-impressionnisme.
Elle se révèle tout particulièrement appropriée et efficace pour le rendu des atmosphères et des lumières changeantes prisées par les impressionnistes que celles éthérées des Nabis et métaphysiques des symbolistes (Odilon Redon "Vieil ange", "Le Christ du silence" - Charles Léandre "Sphinx ailé accoudé à un rocher" et également auteur du portait
"Sur champ d’or" figurant sur l'affiche de l'exposition".
De même pour traduire la délicatesse et le velouté de la carnation et la sensibilité du caractère dans le portrait notamment le portrait aimable qualifié de mondain fort prisé à l'époque, comme vu récemment en ce même lieu avec l'exposition dédiée à Albert Besnard chantre des "Modernités Belle Epoque" qui présidera la société précitée, ainsi avec la touche claire de James Tissot, ("Berthe", "Le Journal") ou celle hachurée de Eugène Vidal ("Ernestine").
Et surtout la sensualité de la chair lascive dans le registre du nu (Claude Marlef "Manette Salomon" - Pierre Carrier-Belleuse "Sur le sable de la dune" - Caroline Baily "La sauvagesse"), dont certains audacieux comme la "Démoniaque" d'Alfred Roll qui contrastent avec les grands nus "divisionnistes" de Lucien Lévy-Dhurmer. |