The Tchaikovsky Project - Manfred Symphony
(Decca Classics) août 2017
"Cette symphonie est un opéra sans paroles, et c’est même l’un des plus beaux opéras composés par Tchaikovsky" Semyon Bychkov
"Prend garde, mon ami ! La prochaine étape est la mort !"
Œuvre d’abord adorée puisque presque détestée par son auteur, La symphonie Manfred représente pourtant à bien des égards l’âme et l’esthétique du compositeur : l’âme Russe, le romantisme, lyrisme et passions, un grand soin apporté aux mélodies, poésie mélodique. Des œuvres marquées par une dimension dramatique, par l’importance de l'idée de la fatalité, de la tragédie du monde et du Destin, du poids de la religion sur les hommes (que l’on retrouve par exemple dans ses symphonies quatre, cinq et six, son concerto pour violon).
L’histoire d’après le drame en vers de Byron qui sert de trame à cette symphonie rentre totalement dans l’univers du compositeur. Manfred est la figure archétypale du héros romantique tourmenté, une sorte Faust à l'anglaise. Manfred a tué sa belle fiancée Astarté lors d'une étreinte fatale et vit reclus rongé par le remord au fin fond des Alpes. Il supplie les esprits de parvenir à oublier son acte et tente de se suicider en sautant d'un pic alpin de La Jungfrau mais il est sauvé in extremis par un chasseur. Astarté apparaît enfin et lui annonce sa mort prochaine. Et en effet, le lendemain des démons surgissent pour l’emmener vers la mort.
C’est le compositeur Mili Balakirev qui lui soufflera l’idée d’écrire une symphonie à programme d’après Byron, après avoir fait la même proposition presque quatorze ans plutôt à Hector Berlioz. D’abord très réticent, jugeant l’idée trop proche justement de l’esthétique du compositeur Français et trouvant la version de Schumann indépassable, Tchaikovsky finira par accepter. Tchaikovsky rapidement regrettera l’idée et les très nombreuses propositions, nous pourrions presque parler d’injonctions esthétiques et harmoniques très fortement proposées, imposées par Balakirev : l’idée fixe dépeignant Manfred, l’apparition d’Astarté en ré Majeur, un premier mouvement en fa# mineur avec des passages en ré majeur…
Œuvre monumentale et absolument dramaturgique, avec une structure atypique et des leitmotivs aux phrasés, aux sonorités toujours différentes la symphonie se sépare en 4 mouvements. Le premier mouvement, le préféré de Tchaikovsky qui reniera les autres est un lento lugubre funeste et tragique en si mineur exprimant le désespoir de Manfred, parfois de la nostalgie se fait sentir quand Manfred se rappelle les doux moments avec sa bien-aimée Astarté. Suit un Vivace con spirito, presque un scherzo symbolisant la chasse et le féérique avec l’apparition de la fée dans un arc-en-ciel. Le troisième mouvement est un andante con moto montrant la douleur de Manfred suite à l’apparition d’Astarté et son impossible oubli. Le quatrième mouvement, le plus dramatique, avec un rappel à Berlioz, est un tourbillon où le fantôme d’Astarté pardonne à Manfred qui peut mourir en paix avec les accords du grand orgue.
Bychkov exprime ici la palette d’affects, toute la noirceur de l’âme avec une direction pointilleuse toute en clarté, une homogénéité dans le pupitre des cordes et une véritable cohérence musicale. Œuvre presque maudite, mal connue et pas toujours bien interprétée, jugée trop souvent comme mineure et trop influencée par Berlioz, elle est magnifiée ici par Semyon Bychkov l’interprétant de tout son cœur, de toute son âme.
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