Monologue dramatique de Michael Stampe interprété par Marie-Christine Danède dans une mise en scène de Christophe Lidon.
Avec "L'Art de Suzanne Brut", Michael Stampe a écrit un monologue dramatique qui plonge au coeur du drame rural, de la situation des simples d'esprit isolés, reclus, rejetés et/ou internés dans des asiles-mouroirs et de l'art en tant que création spontanée inscrite dans le registre générique de l'Art brut. Il donne la parole à un personnage fictionnel retranché dans un monde intérieur profondément mystique dans lequel transparaît, comme source d'inspiration, la figure de Séraphine Louis dite Séraphine de Senlis, femme de ménage et peintre autodidacte reconnue de son vivant avant d'être internée dans un asile psychiatrique, notamment par son mode opératoire, avec l'utilisation de matériaux de récupération pour fabriquer sa peinture. Née dans un milieu plébéien frustre avec une mère mal-aimante, sans doute atteinte d'arriération mentale, Suzanne Brut est apparemment murée dans le silence, la parole conversationnelle étant réduite aux bribes indispensables en relation avec sa tâche de servante dans un couvent abritant un asile. Mais elle est habitée par la foi en la Sainte Vierge et Sainte Jeanne, dont elle ne cesse de faire le portrait, qui sont ses interlocutrices privilégiée et ses guides pour supporter sa vie et un passé qui l'obsède.
Et son flux de pensée tourne en roue libre et se matérialise, d'imploration en confession extatique, en une irrépressible logorrhée psychotique quand elle est seule, un cri conte la violence du monde et une plainte contre l'indifférence des autres.
Délivrer une telle partition d'obédience naturaliste et le pathétique de la situation sans verser ni dans le mélodrame ni dans le numéro d'acteur nécessite un subtil travail d'interprétation sensible capable de susciter la juste émotion compassionnelle. Ce que réalise magnifiquement Marie-Christine Danède sous la direction de Christophe Lidon qui signe également la scénographie simple, un prie-Dieu posé sur une minuscule estrade symbolisant le grabat de la protagoniste qui circonscrit un exigu espace de jeu à la mesure de la minuscule place sur terre qui est octroyée à celle-ci.
Elle réussit une incarnation aussi sensible que magistrale en donnant corps et voix à une femme égarée et une âme tourmentée tout en évitant les écueils de la victimisation excessive comme de l'angélisme. |