Après avoir écumé les steppes mongols au cours de ses trois précédents livres, Ian Manook décide dans son quatrième polar de nous embarquer vers des contrées tout autant sauvages avec une nature beaucoup plus luxuriante. Destination Amérique du Sud, en plein mois d’octobre, vers le pays des cariocas. Changement de climat donc, direction le Mato grosso, grande région du centre du Brésil qui possède une frontière avec la Bolivie. Changement de style aussi puisque Ian Manook abandonne, le temps de ce livre, son inspecteur Yerrugelder et ses mets mongols si particuliers pour un écrivain français, Jacques Haret, qui vient de publier un livre intitulé un roman brésilien et qui décide de retourner dans le Mato Grosso, région qu’il avait quittée il y a trente ans.
Ce retour, en fait, s’explique par une invitation venue de son éditeur pour qu’il puisse présenter son nouvel ouvrage. Sauf que son éditeur n’est autre qu’une vieille connaissance à lui avec qui il a encore des comptes à régler. Dans son roman, Haret traite d’une histoire noire qui lui serait arrivée il y a trente ans au Brésil, une manipulation qui l’aurait poussé à commettre un crime. Or l’homme qui lui a inspiré le manipulateur dont parle le roman, c’est précisément cette vieille connaissance qu’il retrouve à son arrivée au Brésil. Il se retrouve alors confronté à son passé, à ses actes aussi et à ses anciennes connaissances qui n’ont rien oublié.
Vous l’avez compris, Jacques Haret est à la fois le personnage du roman, et l’auteur d’un roman au cœur du roman. C’est ce qui fait l’originalité et le talent de ce livre. Certes, on est bien loin des codes du polar classique que l’on retrouvait dans les trois précédents livres de Ian manook. Jacques Haret a écrit un livre qui raconte des faits qui se sont déroulés trente ans auparavant, ces faits étant évidemment basés sur des souvenirs qu’il a romancés. L’un des personnages au fil du récit nous précise les faits réels, ouvrant de nouvelles perspectives à l’histoire.
Si vous cherchez dans ce livre l’ambiance thriller des enquêtes de Yerrugelder, vous pouvez passer votre chemin. Mato grosso n’est pas fait pour vous. Maintenant, si vous souhaitez prendre le chemin d’une lecture particulière, d’une construction inédite et d’une façon original de penser le récit, ce livre vous ravira, comme il m’a plu.
Car oui, en plus de nous dépayser de nouveau, Ian Manook nous livre un roman ambitieux, exigeant aussi (je pense que certains n’iront pas au bout), avec une construction intelligente autour de la réalité et de la fiction et surtout du rôle de l’écrivain. L’intrigue, loin d’être conventionnelle tourne autour d’aller-retour entre le présent et l’univers de ce "roman brésilien" écrit par Haret. Au final, cela fonctionne bien comme un excellent polar car l’intrigue reste bien construite, Ian Manook nous plonge dans un univers auquel on ne sait pas trop quoi attendre pour nous mener vers une fin à laquelle on ne s’attendait pas.
Avec Mato Grosso, Ian Manook déroule son talent d’écriture à coup de brillantes descriptions d’un pays qu’il connaît bien, au-delà de sa culture et de ses paysages. Il nous tient en haleine en brisant les codes conventionnels du polar dès les premières pages grâce à une structure narrative (parfois déroutante) très originale.
Surprenant est le premier terme qui me vient à l’esprit quand je repense à ce livre que je vous conseille vivement. |