Est-ce parce qu’il est le fils de que Kyle Eastwood aime tant caresser le présent tout en pensant à un passé glorieux mais quelque peu dépassé ? Parce qu’avec Kyle Eastwood, le jazz se conjugue au temps du Hard bop, des années 50-60. Pour cela, le contrebassiste sait s’entourer : Brandon Allen au saxo ténor, Quentin Collins à la trompette, Andrew McCormack au piano, Chris Higginbottom à la batterie et en invité : Stefano Di Battista aux saxophones.
Qu’il conjugue donc le hard bop de plutôt belle manière est indéniable et nier son savoir-faire musical, c’est joliment exécuté, serait une erreur. Cet In Transit devrait ravir tous les amateurs du genre, mais ce disque s’adresse-t-il vraiment aux amateurs de jazz ? Mais faut-il vouloir plaire au plus grand nombre pour cultiver une musique totalement ancrée dans son héritage (on rajoute quelques reprises : "We See" de Thelonious Monk, "Boogie Stop Shuffle" de Charles Mingus, "Blues in Hoss’ Flat" de Count Basie ou "Cinema paradiso" d’Ennio Morricone), immédiatement identifiable, que l’on qualifie trop souvent et par facilité d’intemporelle (alors que la musique jazz, de manière poïétique, ne cesse d’aller de l’avant) au risque de perdre toute singularité artistique ?
Joliment joué, c’est certain mais tout est bien trop lisse pour accrocher vraiment l’auditeur (même le pauvre Stefano Di Battista semble faire le service minimum. Que retenir vraiment de titres comme "Soulful Times", "Rush Hour", "Movin" ou "Jarreau" (la faiblesse de ces titres est d’autant plus flagrante qu’elle se confronte aux titres de Count Basie, Monk ou Mingus) ?
Kyle Eastwood et son quintet semble tomber dans une sorte de fétichisme passéiste (mal contemporain qui ronge également la pop et le rock) où le sens de la formule ou la formule même (dans la forme comme dans le fond, jusqu’aux timbres des instruments) s’impose comme une règle devenant lénifiante. Rappelons-nous alors ce qu’écrivait Adorno : "Sans doute les compositeurs authentiques des siècles précédents, jusqu’au seuil de la nouvelle musique, doivent-ils moins leur grandeur au fait qu’ils se seraient passés de formules toutes faites qu’à la manière dont ils ont su les faire oublier, ou leur insuffler un sens."
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