Comédie dramatique conçue par le Collectif In Vitro d'après deux pièces de Anton Tchekhov,, mise en scène de Julie Deliquet, avec Julie André, Gwendal Anglade, Eric Charon, Aleksandra De Cizancourt, Olivier Faliez, Magaly Godenaire, Agnès Ramy et David Seigneur.
Depuis sa création en 2009 par la comédienne et metteuse en scène Julie Deliquet, le travail du Collectif In Vitro s'organise autour de la thématique de ce qu'il nomme "l’héritage générationnel".
Et il a notamment donné lieu au triptyque "Des années 1970 à nos jours" composé d'une incursion dans les univers bretchtien ("La Noce") et lagarcien ("Derniers remords avant l’oubli") et d'une écriture de plateau ("Nous sommes seuls maintenant") s'avérant représentatif de leur registre dédié qu'est la pièce chorale en forme de portrait de famille.
Pour "Mélancolie(s)" inscrite dans ce postulat, la note d'intention précise que la partition pilotée par Julie Deliquet est centrée sur la thématique "le théâtre et la société dans laquelle nous vivons" avec "Tchekhov pour guide" en "inscrivant les problématiques tchekhoviennes dans la société d’aujourd’hui".
Celle-ci résulte du télescopage de deux opus - "Les trois Soeurs" et "Ivanov" - avec la création de personnages composites qui naviguent dans le même référentiel d'impasse existentielle et s'avèrent archétypaux des problématiques qui agitent la Génération Y, à laquelle appartiennent les comédiens du collectif, empêtrée dans l'héritage des années 1970 sans être parvenue à rebondir pour créer ses propres mythes et écrire son histoire.
L'éreintement, le désappointement et le ressassement de la fuite du temps, des ambitions irréalistes et des illusions perdues affligent ces quadras à bout de souffle qui se retrouvent dans le cadre d'événements a priori festifs qui s'avèrent lugubres.
Archétype de ce mal d'être, Nicolas (Eric Charon) qui hybride les personnages d'Ivanov atteint d'une schizophrénie paralysante et de Verchinine encombrés d'une épouse malade (Magaly Godenaire) constitue le pivot de l'intrigue qui, d'anniversaire en mariage, se noue sur la terrasse de la maison des Prozorov.
Les trois soeurs ne sont plus que deux : l'aînée Olga devenue Olympe (Julie André) a troqué la blouse d'institutrice pour celle de médecin se combine à la figure du jeune médecin Lvov, et Irina, la frondeuse, et Macha, la taciturne, se combinent en une Sacha cyclothymique (Agnès Ramy), épouse de Théodore (Olivier Faliez), non un terne professeur sans envergure mais d'un chef d'entreprise industrieux, tout en empruntant à la Sacha Lebedev qui tombe amoureuse d'Ivanov.
Leur frère, le fils prodige aux ailes rognées par une une fiancée vulgaire (Aleksandra De Cizancourt) se prénomme désormais Camille (Gwendal Anglade) et Louis (David Seigneur), un ami-associé de Nicolas, constitue le quatrième homme qui secoue un peu leur complaisance victimaire.
Les situations tchekhoviennes contextualisées dans un monde résolument hétéronormé entrent en résonance patente avec la dramaturgie lagarcienne, et notamment la récurrence de personnages paradoxaux et la langue, nonobstant la présence des extraits des textes originaux.
Et plus encore, à la faveur de la sagacité de la combinatoire retenue par le collectif pour transcrire un contexte générationnel et des trajectoires individuelles entre psychologie de l'intime et réalisme social, de la mise en scène fluide et cinétique de Julie Deliquet et du jeu performants des acteurs dans les scènes de convivialité chorale sur une terrasse balnéaire, une troisième figure tutélaire émerge.
Celle du cinéaste Claude Sautet, avec ses représentations de la vie dite heureuse des années 1970 qui signent la fin des Trente Glorieuses. Alors Nicolas, Camille, Théodore et les autres sont les enfants de Vincent, François, Paul et les autres et le Collectif In Vitro démontre son postulat.
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