Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Kim Young-ha, mise en scène de Arthur Nauzyciel, avec Ji Hyun-jun, Moon So-ri, Jung Seng-gil, Yang Dong-tak, Yang Savine Yang, Kim Han, Kim Jung-hoon et Lee Hong-jae.
"L'Empire des lumières" proposé par Arthur Nauzyciel est présenté comme une transposition du best-seller éponyme de l'écrivain sud-coréen Kim Yeong-ha, paru en France en 2009, basé sur la trame classique de l'espion dormant "réactivé" avec un anti-héros recruté étudiant et infiltré en Corée du Sud depuis plusieurs décennies.
L'opus ne ressort toutefois au roman d'espionnage mais au drame intime d'un homme ordinaire qui se retrouve "entre deux rives", situation admirablement traitée par le cinéaste Kim Ki-duk, confronté à une seconde rupture par l'injonction de regagner la Corée du Nord dans un délai impératif d'une journée, et à l'épreuve du dévoilement au près de ses proches, drame qui sert également de support à l'évocation historico-critique de la fracture des deux Corées, héritage de la Guerre froide.
L'adaptation théâtrale élaborée par Arthur Nauzyciel et la romancière Valérie Mrejen s'affranchit de la construction romanesque reposant sur le principe de l'unité de temps y substituant le télescopage des temporalités et le procédé de l'ellipse en procédant, de surcroît, à une composition mosaïcienne dans laquelle l'intrigue originelle, avec la scène-clé de la confrontation conjugale reléguée en l'épilogue, s'inscrit en filigrane. En effet, la partition inclut des biodrames résultant de l'insertion des souvenirs des comédiens sud-coréens officiant sur scène pour, afin, selon la note d'intention, de "créer un espace de réparation, d’évocation, de résurrection des fantômes du passé". De plus, l'appétence cinématographique d'Arthur Nauzyciel, soutenue par la collaboration de Valérie Mréjen qui est également vidéaste, aboutit à une partition plus cinétique que théâtrale dès lors que perfusée d'images filmées par le réalisateur Pierre-Alain Giraud. Projetées sur deux immenses écrans perpendiculaires, leur présence invasive et leur force filmique, notamment des gros plans et des scènes avec arrêt sur image, supplantent, sinon éclipsent, les scènes qui se déroulent en simultané sur scène. L'ensemble se déroule dans une scénographie minimaliste de Riccardo Hernandez qui répond au codes du théâtre documentaire, avec les acteurs attablés devant des écrans, dans ce qui évoque une salle de conférence et un chromatisme désaturé de gris, le gris du costume de l'homme qui se fond dans la grisaille de la masse anonyme.
Par ailleurs, en adéquation avec la tradition de mélancolie et d'inexpressivité des émotions attachées à la culture et l'âme asiate, le rythme d'une lenteur extrême et le jeu distancié des acteurs, au demeurant émérites même s'ils n'oeuvrent pas dans l'incarnation au sens européen du terme, qui se déplacent au ralenti, parfois tels des fantômes, jusqu'à l'immobilité, contribuent à une déréalisation qui, selon la sensibilité esthétique du spectateur, s'avèrera hypnotique ou soporifique. |