Comédie dramatique de Georg Kaiser, mise en scène par Agathe Alexis, avec Hervé Van der Meulen, Ariane Heuzé, Bruno Boulzaguet, Benoit Dallongeville et Jaime Azulay.
Mal connu en France, Georg Kaiser est un prolifique dramaturge allemand dont les œuvres triomphèrent jusqu’à l’arrivée des nazis. Auteur expressionniste, ses pièces furent interdites et il connut l’exil dans la partie germanophone de la Suisse.
On aurait pu douter de l’intérêt de le rejouer aujourd’hui, mais la version d’"Un jour en octobre" proposée par Agathe Alexis convaincra dès ses premières scènes les plus réticents.
Il faut dire que c’est sur les chapeaux de roue, à un rythme haletant qui ne connaîtra pas de passages à vide, que les cinq comédiens rendent crédible et passionnante une histoire qui, à la lecture, pourrait sembler presque parodique.
L’intelligence de l’entreprise d’Agathe Alexis est de s’être refusée à un facile second degré pendant les scènes d’exposition. Qu’il y ait un abbé (Jaime Azulay) pour surveiller - et mal - une jeune héritière (Ariane Heuzé) et que son oncle à héritage (Hervé Van Der Meulen) cherche à confondre celui qui l’a déshonoré, que ce suborneur (Bruno Boulzaguet) clame son innocence alors qu’un garçon boucher (Benoît Dallongeville) vienne chercher son dû, tout cela, un bon siècle plus tard, pourrait donner matière à rire.
Mais, peu à peu, alors que le climat se fait plus onirique, quand Catherine la nièce décrit la "réalité" de sa liaison avec le bel officier accusé à tort, "Un jour en octobre" bascule en tragi-comédie qui ne fait plus rire du tout.
Théâtre d’un autre temps, dont Brecht vantait l’intérêt, la pièce de Georg Kaiser n’a pas vieilli dans sa forme et pas tant que ça dans son propos. Elle évite à la fois le mélo et le Grand Guignol et vaut bien mieux que bien des divertissements contemporains que personne, dans une centaine d’années, n’aura l’idée de réveiller de leurs cimetières numériques.
On soulignera la belle scénographie de Robin Chemin, qui a laissé l’avant-scène presque vide et créé en arrière de la scène, derrière des panneaux ouverts, une espèce de parcours en demi-cercle, propice aux jeux de lumière de Stéphane Deschamps, pour suggérer le contexte expressionniste et faire vivre les personnages hors champ.
Tout concourt à faire de cette oeuvre dynamique une réussite qui donnera envie d’en savoir plus sur un auteur dont on recense pas moins de 72 pièces. |