"Bigre ! Ils ont osé !" Vous direz-vous en regardant ces morceaux détournés.
De la parodie satirique au pastiche caricatural, le détournement a pour but principal de dénoncer la société de consommation dans laquelle nous évoluons, tels des molluuuuusques sans volontééééé, suivant les moutoooonnnnns à l’abattoooiiiiir… ô société capitaliste, que sommes-nous devenus sous ton joug ? De candides consuméristes consommés par l’irrépressible envie de posséder sans besoin ! Orage ! O désespoir ! O monnaie ennemie ! Qu’ai-je donc fait pour tant d’infamie ?
Ok j’arrête.
Non mais sérieusement, c’est marrant non ces manières de piquer des images au Panthéon de la culture populaire pour en faire des objets culturels ? C’est du moins ce que semble en penser Sophie Pujas, journaliste et romancière. Ce volumineux ouvrage malicieusement intitulé Pirates ! L'art du détournement culturel.
6 artistes, 17 portraits, des techniques, des guides de référence, Pirates ! fourmille de perles visuelles inédites ou déjà partagées sur votre favorite wall. Feuilleter l’ouvrage offre de jubilatoires instants d’étonnement ou d’amusement, voire de gloussement et même de rire. Avis aux amateurs de pop culture, vous verrez dans Pirates ! une nouvelle preuve que l’art n’a de limite que les bréviaires et les consortiums de la pureté des fluides. Puisque merde est dans le dictionnaire, utilisons-le, il n’est pas de mots plus gros que les autres, il est seulement des bouches moins bâillonnées et des fessiers moins serrés.
De l’esthétique de l’incongru et des rencontres improbables belles comme "la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie" (Lautréamont), rendre aux mots leur sens premier (Pâtes à tartiner de Sébastien Fayard), jongler avec les verbes pour faire surgir les contradictions ou les ridicules d’une époque, faire valdinguer les icônes (la pomme de Blanche-Neige estampillée Monsanto), subvertir un univers (Travis Durden fusionne la statuaire antique et la culture populaire dans son Darth Resurrection)…
Tant de buts se targuent d’avoir suscité la création, alors que le plaisir des sens reste. Certains en ont fait une spécialité, du détournement d’affiches publicitaires ou cinématographiques, de la réappropriation d’icônes glamour ou de héros papiers, de la réécriture de messages publicitaires ou de campagnes de recrutement, inverser les sexes des campagnes publicitaires, inviter à la vigilance, dire ce que les marques préfèrent passer sous silence.
Intelligentes, parfois ironiques, souvent subversives, toujours réfléchies, les œuvres présentées dans Pirates ! ne manquent ni d’originalité, ni de piquant. Poussant à la réflexion sur notre mode de vie et à la fois désacralisation de la culture, l’ouvrage a le mordant de l’insolence et la poésie de la créativité entre ses lignes. De quoi abolir les mauvais parleurs prétendant que nous sommes foutus. Non, pas tant que ceux-là sauront nous montrer nos failles avec humour, cette politesse du désespoir de Kierkegaard, intensément optimiste. Génial d’idiotie. |