"Take the fate of the human being, a thin pathetic line that contours and encircles an infinite and unknown silence. It is in the this very silence, in an only imagined and unknown centre, that legends are born. Alas ! That is why there are no legends in our time. Our time is a time deprived of silence and secrets ; in their absence no legends can grow." Walter Ljungquist (1900-1974)
Quelque part, tous les disques devraient être comme ce Dead Magic. Naturellement pas esthétiquement mais par son intensité, son intransigeance, par sa puissance dramaturgique et émotionnelle. Ici pas de posture, pas de fausses bonnes idées et de maquillages de studio mais de la musique, une vraie aptitude pour l’écriture et pour l’instrumentation, même si l’on peut regretter le choix de mettre un peu de côté le grand orgue d’église, qui donnait une réelle profondeur de timbre à sa musique. Le son est moins massif mais gagne en grain, en particularité.
Dead Magic, le quatrième album d'Anna Von Hausswolff (Singing From the Grave (2010), Ceremony (2013), The Miraculous (2015)), a été composé à l'été 2016 dans sa ville natale de Göteborg, et enregistré l'année suivante à Copenhague, au Danemark, notamment sur l'orgue de l’église de Marmorkirken, "l’église en marbre" de Copenhague, choix qui n’est pas anodin et qui a été décidé vraisemblablement en fonction de l’acoustique de l’instrument et de la réverbération du son.
Anna Von Hausswolff a toujours évité la grandiloquence préférant les contrastes. Dans ce Dead Magic, la musique devient incantatoire, spirituelle, sa voix comme portée par un fil aérien y participant grandement. Elle fait corps entre elle et l’auditeur, nous pourrions presque sentir les vibrations, le mouvement physique de l’air comme des plaques mouvantes. Une musique brute qui se transforme progressivement mais de façon continue, une masse qui évolue, qui se façonne par des variations d’intensités, d’activité, de timbres, de registres.
Sa rencontre avec Michael Gira (Swans) avec qui elle a tourné a été déterminante dans son évolution musicale, la poussant encore plus dans ses retranchements. Elle quitte le format pop et étire les morceaux pour mieux laisser la musique s’exprimer. Mais il y a une autre influence importante, peut-être pas forcément évidente au premier au premier coup mais pourtant fondamentale dans la composition de ce disque. C’est le compositeur György Ligeti, et par le jeu des ricochets nous pourrions penser également à Karlheinz Stockhausen. Ligeti ? Dans sa façon de façonner sa musique par agrégats de lignes mélodiques, de détails des timbres instrumentaux, de pulsation, de cellules rythmiques qui finissent par ne faire plus qu’un (comment ne pas penser à Atmosphères (1961)), dans un développement formel statique (Lux aeterna (1966), Continuum (1968), Kammerkonzert (1970) dans son souhait d'échapper au tempérament égal (comme dans Ramifications (1969)).
Attention sa musique reste quand même plutôt facilement accessible si tant est que l’on se laisse prendre au jeu... Pour le reste, c’est à l’auditeur de trouver un sens à sa musique, ne finit-elle pas vers la lumière ? Non, en fait il n’y a pas de sens à y trouver, juste des sensations à éprouver. Une œuvre dont on ne se détachera pas facilement. "Notre temps est un temps privé de silence et de secrets, en leur absence, aucune légende ne peut grandir."
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