Comédie de William Shakespeare, mise en scène de Christophe Rauck, avec John Arnold, Jean-Claude Durand, Cécile Garcia Fogel, Pierre-François Garel, Pierre-Félix Gravière, Maud Le Grévellec, Jean-François Lombard, Mahmoud Saïd, Luanda Siqueira et Alain Trétout .
Christophe Rauck réussit une belle prouesse avec son adaptation, à partir de la traduction de Jean-Michel Déprats, et avec la collaboration à la dramaturgie de Leslie Six, de la pastorale shakespearienne "Comme il vous plaira".
Libre adaptation d'un roman de Thomas Lodge inspiré d'un poème médiéval, cette fantaisie au dénouement sulpicien avec la rédemption des méchants et un happy end de comédie romantique hollywwoodienne avec un quadruple mariage, célèbre la rencontre fusionnelle de la poésie et de l'amour dans l'espace à la symbolique polysémique de la forêt d'Arden.
Réflexion sur l’amour sous toutes ses formes, amour filial, rivalité fraternelle et amour charnel, cette féerie des coeurs est menée par une jeune femme, l'intrépide Rosalinde, voix d'un féministe précurseur, qui, ne se contente ni de l'amour courtois ni de simples déclarations sans lendemain.
S'y croisent et s'y révèlent des personnages en miroir qui fonctionnent par binômes : deux ducs, l'usurpateur et le spolié (tous deux incarnés de manière janusienne par Jean-Claude Durand), deux fils et frères ennemis Orlando le banni (Pierre-François Garel) et Olivier le rival (Pierre-Félix Gravière), deux filles Rosalinde l'exclue (Cécile Garcia Fogel) et Célia la nantie (Maud Le Grévellec) et deux sages, Jacques le philosophe mélancolique (John Arnold) et Pierre de Touche le bouffon rustique (Alain Trétout).
Raccord avec l'univers sylvestre de cette comédie des amours et des rivalités intestines et à l'instar d'un ingénieur forestier, Christophe Rauck a élagué, taillé, replanté et greffé pour, tel indiqué dans sa note d'intention, aller à l'essentiel de ce long opus foisonnant et échevelé et se concentrer sur ce qu'il considère comme des moments d’exception, à savoir les joutes amoureuses et le monologue de Jacques le philosophe.
Placée sous le signe de l'hybridation anachronique, même pour les costumes bigarrés confectionnés par Coralie Sanvoisin, la superbe scénographie de Aurélie Thomas, un élégant décor de futaie sur toile peinte peuplée d'animaux naturalisés, est animée par les lumières crépusculaires de Olivier Oudiou et les intermèdes musicaux mêlant, de Purcell à Queen, musique baroque et pop-rock à l'anglaise avec des chants et chansons dispensés par les chanteur lyriques Luandra Siqueira et Jean-François Lombard, et également au jeu dans les rôles respectifs de la bergère Phébé et du courtisan Le Beau.
Dans la mise en scène à la fuidité maîtrisée de Christophe Rauck, dont deux des particularités tient à l'utilisation dramaturgique du son avec effets de voix, voix off ou au micro et appareillage HF, et à une dramaturgie du corps à l'horizontale, les comédiens s'épanouissent dans cette célébration du théâtre et des jeux - et du jeu - de l'amour.
Pour le plaisir et le bonheur d'un public subjugué. |