Monologue dramatique écrit par Roberto Athayde interprété par Stéphanie Bataille dans une mise en scène de Anne Bouvier.
Stéphanie Bataille et Anne Bouvier, toutes deux comédiennes et metteuses en scène, en l'espèce respectivement au jeu et à la direction d'acteur, se sont littéralement, et avec pertinence, emparées de "Madame Marguerite", l'emblématique monologue tragi-comique écrit par l'auteur brésilien Roberto Athayde dont sans doute peu de spectateurs auront vu sa mémorable création par Annie Girardot en 1974.
Conçue comme une dénonciation satirico-tragi-comique de la politique dictatoriale sévissant en son temps dans les Etats d'Amérique du Sud, la partition consiste dans le discours directif et impérieux avec lequel, le jour de la rentrée, une institutrice, pour le moins atypique ne serait-ce par qu'elle s'exprime à la troisième personne, accueille ses élèves en posant immédiatement les "règles du jeu" qui s'imposent même par la force sans discussion possible.
Bien évidemment, cette configuration scolaire est purement métaphorique. En effet, il n'est guère inimaginable que, même dans les années post-soixanthuitardes, un enseignant puisse s'exprimer avec une telle trivialité, et encore moins au troisième millénaire en employant des termes tels obéissance, discipline, morale, punition, désormais proscrits du vocabulaire comme synonynes de tyrannie traumatisante pour l'épanouissement personnel des chères têtes blondes au regard de certaines théories éducationnelles prônant l'enseignement participatif négocié avec les élèves.
En revanche, elle trouve à s'appliquer à toute situation impliquant une relation de pouvoir, de surcroît quand elle s'avère liberticide, et, dans cette hypothèse, l'opus reste équivoque dès lors qu'il est difficile de savoir si Madame Marguerite est en proie à une crise de décompensation psychotique, un suppôt du totalitarisme dont elle relaie l'idéologie avec une orthodoxie intégriste ou une rebelle infiltrée qui participe, de l'intérieur, au sabotage du système.
Ou, peut-être, et plus simplement, une humaniste idéaliste et quasi mystique investie d'une mission, celle de tenter de réveiller les consciences apathiques en insistant sur la nécessité de l'acquisition du savoir, de la résistance par l'activation de son libre arbitre et de la vertu morale, pour faire le bien, sur le fil de funambule tendu entre la naissance et la mort qu'est la vie.
Sur scène, devant un incontournable tableau noir, Stéphanie Bataille réalise une superbe performance qui soutient cette ambiguïté, sans cesse réactivée par les ruptures de ton induites par un texte qui caracole entre folie et raison, prédication et analyse métaphysique, que chaque spectateur lève en fonction de sa grille de lecture et de croyances.
De plus, elle ne se contente pas d'interpréter le personnage mais reprend à son compte la passion qui l'anime et les convictions qu'elle partage et ajoute, après les salut, un bref additif délivré en forme de bord de scène dans lequel elle vise les techniques perverses de manipulation des masses, inconnues à l'époque de l'écriture, qui engendrent l'abrutissement et la dépendance consumériste et technologique, l'exigence de conscience morale et l'impératif de connaissance qui passe par l'éducation. |