Comédie dramatique de Neil Labute, mise en scène de Pierre Laville, avec Xavier Gallais et Marie-Christine Letort.
En 2003, Claude Baqué montait au théâtre de l'Athénée "Septembre blanc" de Neil LaBute avec Xavier Gallais. En 2018, c'est au tour de Pierre Laville de monter "Providence" de Neil LaBute toujours avec Xavier Gallais. En fait, il s'agit de la même pièce, mais le changement de titre n'est pas anodin.
Dans "Septembre Blanc", les événements du 11 septembre 2001 sont encore très frais dans les mémoires et le personnage de Ben, trader dans l'une des tours jumelles qui se sont écroulées, est immédiatement parlant pour le spectateur.
Qu'il décide de passer pour mort alors qu'il n'était pas présent lors de l'explosion du "World Trade Center", puisqu'il était avec Abby (Marie-Christine Letort) pour l'un de leurs rendez-vous illégitimes, prend un relief particulier, paraît une grosse provocation pour ne pas dire une énorme transgression.
Aujourd'hui, alors que la sidération pour le 11 septembre new-yorkais, pour ce fait encore hors norme, s'est estompée et que toute les grandes villes du monde ont connu à leur tour d'autres sidérations, la pièce de Neil LaBute n'a pas le même impact.
Autour du canapé où évolue le couple, l'enjeu paraît moins clair, pour la bonne raison qu'on ne peut plus prétendre s'échapper de la nouvelle réalité, vraie ou fantasmée, que justement le 11 septembre 2001 dévoile. Où fuir ? Où recommencer sa vie quand les mêmes choses peuvent se passer partout ailleurs ?
Très terre à terre, le texte de Neil LaBute manque, de plus, d'une dimension "métaphysique" pour qu'on saisisse en quoi le 11 septembre 2011 "digéré" voir "réchauffé" influence le dialogue des deux amants.
Certains trouveront peut-être que Neil LaBute dissèque à vif et profondément une "scène de la vie extra-conjugale", celle où les protagonistes en ont assez de jouer le jeu de la clandestinité et doivent choisir vers où aller. La situation est ici compliquée par deux facteurs : Abby est plus âgée que Ben, occupe une position hiérarchique qui lui est supérieure ; Ben a une famille avec deux enfants qu'il aime profondément.
Spécialiste de David Mamet, Pierre Laville donne parfois l'impression de confondre les deux auteurs. Il faut dire que Neil La Bute, dont la réputation s'est faite à partir de son premier film "En compagnie des hommes" (1992), n'a pas vraiment répondu aux promesses de ses débuts. Qu'il s'agisse de sa carrière de réalisateur ou de dramaturge, Neil LaBute n'a rien apporté de nouveau et est resté un disciple doué mais sans véritable originalité de Sam Shepard et David Mamet.
On comprend dès lors pourquoi Pierre Laville cherche à le "doper" en le mamétisant. Il essaie ainsi de redonner du lustre à un texte brillant mais ayant assez mal vieilli, en lui greffant l'étrangeté et la capacité de tenir en haleine son spectateur qui font le charme de Mamet, lui aussi oscillant entre cinéma et théâtre.
Il ne faut donc pas divulguer la fin de "Providence", de ce qui était dans "Septembre Blanc" un vrai monologue et qui aujourd'hui est plus dans le registre de la discussion passionnée entre amants ballotés entre leur petite histoire ritualisée et les perspectives nouvelles que leur offre soudain la grande Histoire. |