Réalisé par Wayne Roberts. Etats Unis. Drame. 1h28 (Sortie le 18 avril 2018). Avec Olivia Cooke, Christopher Abbott, Mireille Enos, Mary Steenburgen, James Belushi, Chris Lowell, Nate Corddry et Natasha Bassett.
Ça pourrait commencer comme "Bagdad Café" et finir comme "Wanda".
Heureusement, "Katie says goodbye" de Wayne Roberts n'a en commun avec "Bagdad Café" de Percy Adlon que le côté "nulle part" du lieu central où se passe l'action, une espèce de restaurant pour routiers, au croisement improbable du désert et du désert, tenu par l'inusable et bienveillante Maybelle (Mary Steenburgen).
Heureusement, "Katie says goodbye" n'a pas en commun avec "Wanda" de Barbara Loden la même fin désespérante. Il faut dire que Wayne Roberts signe ici son premier film et qu'il espère - comme ceux qui auront vu le film lumineux qu'il tire des déboires de Katie - en faire d'autres, alors que la fragile femme d'Elia Kazan savait que le sien serait unique et qu'il se devait d'être un chef d'oeuvre inoubliable. Ainsi Wanda n'avait pas d'avenir alors que l'on espère (fortement) que Katie en a un, même avec des gros pointillés.
Car "partir" pour Katie, ce n'est pas dériver mais changer de vie. Finis alors les pancakes et les petites passes pour remplir sa boîte à gâteau de billets verts dans l'espoir de devenir coiffeuse à Los Angeles....
Katie, c'est Olivia Cooke, une actrice volontaire au physique fragile, une nouvelle Reese Witherspoon, le côté carnassier sudiste en moins. Il faut la voir marcher sans cesse du "mobile home" où sa mère s'amollit entre deux amants buveurs de bière au restaurant de Maybelle.
Wayne Roberts filme ce désert coupé par une route macadamisée dans de beaux plans wendersiens. On y lit l'énergie de Katie et aussi son peu d'avenir. D'autant que le rêve américain 2016, dans ce carrefour où se croisent des routes sans destination, est encore pire que jadis.
S'il reste quelques figures typiques et positives, dont "Bear" le routier, magnifiquement interprété par Jim Belushi, il y a surtout des prédateurs confits dans leur ennui. Même le prince charmant motard que s'invente une dernière fois Katie est mutique et mal parti avec sa conditionnelle comme épée de Damoclès.
Fille courage sans père, plombée par une mère qui dérive et abusée par tous ceux qui profitent de son gentil corps facile, Katie va voir son monde qu'elle voulait peindre de couleurs gaies devenir soudain un océan de noirceur.
Olivia Cooke l'interprète à la fois avec conviction et subtilité. Il est impossible qu'elle en reste là tant elle imprime sur le rôle des qualités stupéfiantes d'actrice. Elle permet à son réalisateur d'échapper au "petit film indépendant" classique estampillé "Sundance".
"Katie says goodbye" de Wayne Roberts est une œuvre déjà intemporelle, un de ses films qui font la richesse du cinéma américain, qui le font respirer en contrepoint de ses grosses machines étouffantes.
Il ne sera peut-être pas vu par beaucoup de monde lors de sa sortie parisienne. En revanche, on prend le pari qu'il sera longtemps programmé avec succès dans des séances de mi-journée et qu'on le considérera comme un classique US. |