Spectacle jeune public d'après le roman éponyme de Thomas Gornet, mis en scène de Yann Dacosta, avec Théo Costa-Marini, Côme Thieulin et Manon Thorel.
Vincent Latan a 14 ans. Il est au collège en classe de 3ème. De la rentrée scolaire à la fin des classes en juin, il raconte sa vie et les bouleversements qui l'agitent lors de cette année charnière où il se révêlera à lui-même.
La 3ème, c'est la vie avec ses amis Myriam et Aziz, les séances de sport avec Monsieur Gomez, qui le terrifient, l'orientation scolaire pour la suite et puis l'arrivée d'un nouveau venu...
En adaptant le roman éponyme de Thomas Gornet, Yann Dacosta et la Compagnie Le Chat Foin traitent avec "Qui suis-je ?" du sujet de l'identité à l'adolescence à partir du récit de Vincent qui, à la manière d'un journal intime, livre ses impressions sur ses journées et raconte le petit monde qui l'entoure.
Au fil de ces mois, Vincent prendra conscience des sentiments qu'il éprouve. Le texte redoutablement réaliste de Thomas Gornet comporte suffisamment d'humour, notamment dans l'autodérision de Vincent, pour que l'on suive avec plaisir sa chronique racontée avec de belles images, dans le texte et sur scène.
En contrepoint au jeu des comédiens, pour illustrer les différents décors et donner une ambiance universelle, Yann Dacosta a choisi cette fois, après les animations vidéos très réussies du magnifique "L'apprenti", son précédent spectacle sur l'adolescence, la bande-dessinée.
Le dessin en noir et blanc d'Hugues Barthe traduit à merveille l'univers normé et oppressant du collège dans lequel Vincent a tant de mal à se fondre et n'est pas sans rappeler celui désenchanté de "Ghost World" de l'américain Daniel Clowes, soulignant tous deux la dureté de ce microcosme et de cette période.
Il ménage même de vrais moments de grâce et d'émotion comme les scènes où, dans la nuit, Vincent partage sa solitude avec une femme de ménage observée dans l'immeuble d'en face ou celle où il est invité au repas dans la famille d'Aziz.
Au centre d'une scénographie efficace de Grégoire Faucheux qui reprend le décor d'une salle de sport avec bancs en bois et espaliers, servant tout à la fois de salle de classe, d'abribus ou de cour de récré, permettant grace au grand écran intégré de projeter les illustrations ou de créer des ombres chinoises, les trois comédiens interprètent tous les protagonistes de cette histoire d'expérimentation du désir amoureux.
Côme Thieulin est un parfait Vincent dans un jeu délicat qui touche par sa sincérité. Manon Thorel, débordante d'énergie défend avec la même conviction les personnages de Myriam, la meilleure amie ou des adultes souvent un peu hystériques. Quant à Théo Costa-Marini, déjà intéressant dans le précédent spectacle de la compagnie ("Légendes de la forêt viennoise"), il est épatant dans les rôles de tous les garçons de la classe, à qui il apporte à chacun une nuance distincte avec une justesse absolue.
Ce récit d'apprentissage permet grâce à l'humour omniprésent de faire passer un sujet grave (la différence) tout en l'éclairant et en donnant de nombreuses pistes de réflexion et de discussion.
Comme pour "L'apprenti", Yann Dacosta a opté pour la simplicité de la mise en scène, ce qui permet à l'émotion d'apparaître. L'optimisme de Vincent, même si ce premier amour est un échec, trouvera dans la façon dont il parvient à accepter sa différence, la force après le noir de voir enfin la vie en couleurs.
Un spectacle audacieux et original qui réussit à mettre des mots sur des sujets tabous chez les adolescents. Un spectacle d'intérêt public, donc. |