Réalisé par Laura Bispuri. Allemagne/Italie/Suisse. Drame. 1h37 (Sortie le 27 juin 2018). Avec Valeria Golino, Alba Rohrwacher, Sara Casu, Udo Kier et Michele Carboni.

C’est dans la lumière vive de la Sardaigne que se déroule ce film âpre qui ne cherche pas à se faire aimer d’emblée.

En effet, "Ma Fille" de Laura Bispuri n’avoue pas tout de suite son sujet et l’on est à la fois intrigué et agacé de le voir s’attarder sur une petite fille, Vittoria (Sara Casu), au physique singulier de pré-ado malingre et rousse. Construit comme un puzzle, avec des morceaux faciles à placer et d’autres impossibles à poser, "Ma Fille" prend peu à peu forme. Ce sera un film de femmes où les hommes ne sont là que pour prendre ou donner des coups.

Un film de femmes sans hommes qui se révèle très paradoxal, puisqu’il ne se prive pas de la dichotomie propre aux mélos : Valeria Golino y joue la maman et Alba Rohrwacher, la putain.

Est-ce d’ailleurs vraiment un mélo ? Jusqu’au bout, la question restera elle aussi à l’ordre du jour, dans une scène éprouvante où ce sera encore à Vittoria de jouer tour à tour la victime et l’héroïne…

En tout cas, les deux mamans possibles sont somptueuses. Leur affrontement les grandit, même s'il y a une part obscure dans leur histoire commune, une part mesquine qu'il vaut mieux que Vittoria ignore.

Y a-t-il un compromis possible entre ces deux manières si différentes d'aimer ? Angelica (Alba Rohrwacher,) est une espèce d'animal blessé par la vie, désormais plus proche des chevaux que des humains. Quelqu'un d'excessif parce qu'elle a peur de ne pas ou de ne plus savoir aimer.

Face à elle, Valeria Golino croit que les liens du sang existent. Elle s'inscrit dans une vision nécessairement tragique de ces relations avec Vittoria. Sa peur à elle, c'est de n'être plus aimée...

Entre les deux, la petite fille tranchera-t-elle ? Devra-t-elle vraiment trancher ?

Ce trio mis en place, "Ma Fille" de Laura Bispuri devient une œuvre ouvertement féminine, voire féministe, vraiment attachante, subtile et solaire, qui décrit une tragédie moderne dans un coin de Sardaigne pauvre mais où souffle toujours l'esprit des Dieux antiques.