Pour ce dimanche, on n'a pas d'autres choix que d'opter pour la version abrégée de cette dernière journée – car le dimanche restera toujours et encore la veille de l'odieux lundi.
Eddy de Pretto reste pour moi un mystère à explorer : si le hasard de la première écoute – notez la banalité de la circonstance : au volant, à la radio – m'avait laissée stupéfaite, ce concert me laisse circonspecte. Oui, il y a l'écriture, juste et incisive, qui remonte admirablement le niveau des icônes annexes surfant sur la même vague de la "chanson rap". Et, en relisant tranquillement les textes de Kid et de Cure, respectivement premier EP et premier album, je me demande vraiment pourquoi de Pretto ne signe pas chez une maison d'édition plutôt que chez un label... Certes, la présence de de Pretto sur scène fait mouche (alternance de frontalité et de fragilité) ; et oui ça fait du bien d'entendre le public, jeune, admiratif, emballé, déclamer par cœur quelque chose qui ressemble enfin à de la langue française... Mais voilà : la voix et le "flow" rappellent précisément et non pas vaguement quelque chose, en ressemblant bien trop à un certain Stromae. Paradoxe : comment de Pretto peut-il manquer encore, sous cet angle, d'identité vocale au regard de la vérité affirmée de son engagement social ?
Inévitablement, les ballades romantiques de Marlon Williams, sur la Loggia (qui décidément change de forme tous les ans et ferait mieux de revenir à sa superbe concavité de l'an dernier), m'agacent un peu – tout cela est fait, sans aucun doute de sincérité personnelle et de brio musical, mais je ne suis visiblement pas aussi sensible que le public capté, enchaîné à la mélancolie qui se diffuse sur scène...
Alice in Chains sait mesurer son entrée : parfois, le mythe vivant ne paie pas de mine. Point d'aficionados dans le public de la Mainstage : il faut aimer le grunge et la puissance sombre de certains titres pour apprécier ce qui se déroule sous nos yeux. A la discrétion de Jerry Cantrell, concentré et impérial, s'opposent les postures amusées de Mike Inez, tandis que William DuVall fait le show, spontanément et sans outrance, c'est-à-dire à la perfection. On assiste donc à une prestation musicale habilement huilée et enthousiaste, preuve qu'Alice in Chains sait se départir de ce mécanisme froid qui transparaît parfois de certains concerts donnés par de gros groupes américains. Génial, donc.
Dernière course sur le chemin technique qui relie la Mainstage à la Plage, dernier regard vers ce coucher de soleil si emblématique du bonheur qu'on éprouve quand on est aux Eurocks qui, décidément, vivent plutôt bien ce passage à la trentaine. Nous faisons nos choux gras de l'absence d'Hamza : car, de nouveau, un phénomène nous attend sur la Plage. On en parle depuis trois jours, de ce 6ix9ine, de ses frasques sexuelles et de sa violence, de son visage tatoué et de son allure excentrique, de son côté "no limit" et de la difficulté qu'il y a à séparer, toujours, vie professionnelle et vie personnelle quand on est face à un personnage public.
Très vite, on comprend que 6Ix9ine est une boule de nerfs, au regard tantôt agressif et tantôt absent, pur produit humain de ce que l'Amérique peut faire de pire en terme social – mais 6ix9ine est passé du statut de proie à celui de prédateur, animé par la rancune, la violence, la colère et le désir de vengeance et de provocation. Le choix de slamer, dès les premiers titres, dit pourtant le désir de foule et de contacts – peu de rappeurs de cette envergure s'y jettent, de mémoire –, comme pour s'assurer de la réalité physique du moment. En d'autres termes, si l'on reste plutôt hermétique à la musique, la posture de 6ix9ine ne nous laisse pas indifférente.
On fuit Dead Cross comme la peste, pour les avoir subis au Download, et on décide que la cerise sur le gâteau – lire : le dernier groupe de la journée et de cette édition, pour nous – s'appellera The Limiñanas, pure incarnation de ce que le rock fait de mieux, quand il est nourri des bonnes choses, quand il a assez voyagé pour être fin et ouvert, quand il est accompagné par les meilleurs alliés (lire : le cinéma) – et, faut-il le dire quand il est guidé par les meilleurs instincts et les bonnes personnes (récemment, un certain Anton Newcombe...). C'est grunge, garage, psyché, yéyé, entêtant, rôdé, bref c'est aussi vivant que vivifiant et c'est exactement ce qu'il nous fallait pour partir sur la meilleure note (de musique) possible... |