Comédie dramatique de Edward Albee, mise en scène de Panchika Velez, avec Frédérique Lazarini, Stéphane Fievet, Agnès Miguras et Aurélien Chaussade. Dans "Qui a peur de Virginia Woolf ?" rythmée par une "private joke", pièce emblématique des années 1960 et du théâtre post-moderne, le dramaturge américain Edward Albee traite magistralement du thème classique du pandémonium conjugal à la manière de la danse de mort strinbergienne avec la situation de la scène de ménage appliquée au milieu petit bourgeois universitaire à l'élitisme férocement épinglé.
Les cinquantenaires George et Martha sont des médiocres ordinaires qui n'avaient pas les moyens de leur ambition. Elle qui se voyait épouse du successeur de son père, le très honorable président de l'université compassée de la Nouvelle Carthage, a convolé avec un professeur d'histoire d'histoire qui n'est même pas parvenu à la chaire de directeur de sa section.
Par compensation, ce couple stérile miné par l'échec, ses frustrations et ses névroses, se livre à un jeu de massacre ritualisé qui, ce soir-là, après une soirée bien arrosée, se déroule devant un public, un jeune couple-miroir soigneusement dépisté et invité par Martha comme pour un ultime psychodrame à la manière des "Démons" de Lars Noren. And now, play the game !
Dans sa note d'intention de mise en scène, Panchika Velez indique sa lecture de la pièce comme une tragédie existentielle qui se consume dans une séance d'exorcisme auquel tend le troisième acte, ainsi dénommé par l'auteur dans le texte original, pour tendre vers un apaisement des coeurs.
Et elle tire le meilleur parti de la distribution avec une direction d'acteur émérite qui se (dé)bat sous haute alcoolémie dans un décor, au sens propre du terme, de bibliothèque victorienne avec sa factice façade livresque conçue par Jean-Michel Adam, et notamment des comédiens aguerris.
Frédérique Lazarini qui, dans le rôle écrasant de la "desesperate housewife", a trouvé, avec un jeu organique réaliste et convaincant, le moyen terme entre l'hystérie narcissique d'Elizabeth Taylor dans la transposition cinématographique de Mike Nichols et la cérébralité de Dominique Valadié dans la récente mise en scène de Alain Françon.
Dans ce combat singulier, Stéphane Fiévet campe avec finesse un mari qui tente de s'abstraire de la mêlée, alors même que bée le défaut douloureux de la cuirasse, et imperceptiblement mais sûrement, se révèle le maître du jeu.
La jeune génération Aurélien Chaussade et Agnès Migurass'avère tout aussi pertinente, lui en ambitieux et opportuniste, elle en fausse ingénue, que cette confrontation déflagratoire place en face d'un en face d'un possible, voire probable, scénario de vie.
Donc une belle réussite.
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