Philippe Vasset est un écrivain atypique qui a fait des endroits improbables et des lieux peu connus la source d’inspiration de son œuvre. Son dernier ouvrage, un livre court d’à peine deux cents pages perpétue cette tradition. Une vie en l’air, publié aux éditions Fayard pour la rentrée littéraire de septembre a pour toile de fond une rampe d’essai pour aérotrain sur coussin d’air située dans la Beauce. Ce projet, initié sous Pompidou fut abandonné quelques années plus tard par Valéry Giscard d’Estaing.
Dix-huit kilomètres de rails donc, à sept mètres de hauteur. Neuf cents travées coupant la Beauce. Des centaines de graffitis sur une rampe où fut établi, en 1974, le record du monde de vitesse sur coussin d’air avec 430 kilomètres-heure. Un échec industriel ! Une ruine du futur ! Une terrasse sur le monde, avec Philippe Vasset à la balustrade. Trente ans en apesanteur et un ouvrage, une vie en l’air, qui mérite vraiment le détour.
Cet amas de béton abandonné, l’auteur le connaît parfaitement bien, il l’obsède et l’habite depuis son enfance. Une vie en l’air lui permet de nous le décrire avec la prose et la poésie qui font de lui un grand écrivain. Il lui redonne vie en quelque sorte au détour de ses mots, lui qui n’a pas connu de futur puisqu’il a été laissé pour compte avant sa finition.
Philippe Vasset va donc arpenter les dix-huit kilomètres de cet ouvrage, arrivant à dégager une forme de nostalgie de ce qu’aurait pu être cet ouvrage s’il avait été réalisé. Il nous raconte les jours et les heures passées autour de ce lieu, enfant, adolescent et adulte à contempler les paysages de sa Beauce. Il nous exprime sa fascination pour cet aérotrain jamais terminé.
L’ouvrage de Philippe Vasseur croise le récit, l’enquête, le reportage et l’analyse. Il rassemble notamment des archives et des entretiens qui tentent d’expliquer l’abandon de ce projet. Il témoigne aussi des différentes occupations de ce lieu après son abandon. On le voit devenir un espace de rave pour jeune en quête de musiques électroniques mais aussi un espace de contestations servant de support pour diverses revendications. Et enfin, il fut aussi un espace d’expériences technologiques. Des jeunes aussi s’y rendaient pour des amourettes cachées, loin des regards des autres.
A partir d’un sujet d’une très grande banalité, Philippe Vasseur nous livre donc un ouvrage original, plein de nostalgie dans lequel il porte le regard de son histoire et de son vécu vis-à-vis de ce projet d’aérotrain.
Son livre est un petit bijou d’écriture, un objet d’exploration qui vaut le coup d’être découvert.