Ne cherchez plus le grand polar sur la ségrégation raciale aux Etats-Unis dans les années 50, il est chez Rivages, dans la collection noir et il vient tout juste de sortir pour notre plus grand plaisir. Son auteur, Thomas Mullen, n’est pas un inconnu puisqu’il est déjà l’auteur de cinq romans, salués par la presse américaine et distingués par de nombreux prix. Darktown, son dernier ouvrage, est le premier opus d’une saga policière, déjà en cours d’adaptation pour la télévision.
Thomas Mullen nous embarque à Atlanta, en 1948, dans un pays dirigé par Harry Truman, l’homme d’Hiroshima et de Nagasaki. Le département de police de la ville est contraint de recruter ses premiers officiers noirs. Parmi eux se trouvent deux vétérans de guerre, un certain Lucius Boggs et un certain Tommy Smith. Mais dans l’Amérique de Jim Crow, législateur ségrégationniste, un flic noir n’a pas le droit ni d’arrêter un suspect, ni de conduire une voiture, ni de mettre les pieds dans les locaux de ce qu’il appelle la "vraie police".
Quand le cadavre d’une femme métisse est retrouvé dans un dépotoir, Boggs et Smith décident de mener une enquête officieuse. Alors que leur tête est mise à prix, il leur faudra dénouer un écheveau d’intrigues mêlant trafic d’alcool, prostitution, Ku Klux Klan et corruption.
Ce livre, au-delà de son intrigue autour du meurtre de la jeune métisse, c’est d’abord celui d’un contexte, celui de l’après-guerre dans un pays divisé et encore très communautaire, pas encore guéri de son passé ségrégationniste. L’auteur nous le montre dans la confrontation des deux binômes policiers qui s’opposent, l’un noir et l’autre blanc, autour du meurtre d’une métisse, tout un symbole. La jeune métisse a été vue pour la dernière fois avec un blanc lors d’un contrôle de routine par les deux policiers noirs.
Ce livre, c’est aussi le roman du racisme ordinaire qui sévissait dans la société américaine, un racisme fait de mépris, d’humiliation et même de lynchage qui sous la plume de Thomas Mullen font souvent froid dans le dos. L’auteur nous montre parfaitement que le fait d’intégrer des noirs dans la police américaine n’a pas pour autant eu pour conséquences de mettre fin aux différences qui existaient entre les deux communautés. Les policiers noirs se retrouvent à travailler dans des conditions déplorables, ne pouvant patrouiller que dans les quartiers noirs et n’ayant pas l’accès au QG de la police de peur que les blancs s’attaquent à eux.
Avec Darktown, Thomas Mullen donne une véritable dimension sociale à son polar qui aura une suite. Il nous prouve qu’on peut embarquer un lecteur donne des thèmes particulièrement sérieux en y intégrant une intrigue tout à fait pertinente et bien construite. En ce sens, Darktown est un vrai grand livre, de ceux qui vous passionnent et vous bouleversent en même temps. |