Performance de théâtre et arts visuels conçue et interprétée par Walid Raad. Walid Raad est né au Liban en 1967 à l'époque où une large partie de la population était francophone, même totalement quand on s'intéressait aux couches intellectuelles et aux élites.
On pouvait donc s'attendre qu'il tienne sa conférence dans la langue des gardiens du Louvre. Las, c'est dans un anglais compréhensible par les Français niveau Bac sans mention que, casquette sur la tête, et à pleine vitesse, qu'il a tenu sa conférence palpitante et passionnante.
Pourquoi une casquette genre base ball sur la tête ? Pour signifier qu'il est prof d'art à la "Cooper Union" de New York ? Non, la réponse est à l'image de ce personnage attachant :lui qui n'est pas un conférencier professionnel a un trac fou et il est persuadé que celui-ci disparaîtra avec sa casquette fétiche sur la tête...
Force est de constater que cela a très bien fonctionné pendant l'heure et demie où il a raconté - entre autres - l'histoire du Louvre Abou Dabi. Pratiquant le "power point" projeté sur un écran vidéo, il n'a cessé d'expliquer des "hasards et des coïncidences" qui toutes aboutissent à ce musée hors norme conçu par Jean Nouvel pour l'Émirat.
Jamais avare d'anecdotes, doué d'une capacité phénoménale à relier des phénomènes apparemment sans liens entre eux, Walid Raad sait s'amuser avec son érudition et toujours retomber sur ses pieds quand il élabore une théorie qui paraît au premier abord bien fumeuse.
Dans la deuxième partie de sa performance, chacun quittera la salle de projection et son siège pour aller de l'autre côté de l'écran vidéo, là où sont exposés divers éléments explicatifs et ludiques.
On y découvrira le secret des objets sans ombres, des caisses en bois où sont dessinés les principaux chefs d'oeuvre qui seront exposés dans le musée délocalisé sur une île à la température caniculaire. Il faudrait être tout à fait anglophone, pour bien comprendre les fumeuses raisons du cheikh initiateur du projet pour redemander qu'on leur enlève l'odeur de mort qu'il a senti en recevant les dites caisses.
Sur une autre série de panneaux, on découvrira tout un aréopage de protagonistes qu'on retrouve peu ou prou mêlés au projet : d'Yves Saint Laurent à Paulette Goddard, de Frédéric Mitterrand à Donald Trump, d'Eric Maria Remarque à Nicolas Sarkozy...
Outre l'oeil, c'est le cerveau que vise Walid Raad. Il souhaite que ceux qui auront aimé sa démarche la poursuive avec, eux aussi, le même état d'esprit que le sien, à la fois ludique et critique.
Sans jamais se départir de son sourire ni de son débit de mots pour ne pas sauter une étape dans ses complexes et paradoxales explications, il laisse au final dans un état de béatitude totale. On a l'impression d'en savoir plus sur le monde et surtout d'avoir acquis les outils pour ne pas en être toujours dupe.
Bien sûr, on suppose qu'il y a des fausses pistes et des raccourcis dans ce parcours entre mémoire et imaginaire, mais on en ressort plus indulgent pour ceux qui croient pouvoir changer le monde à leur image et plus intelligent face à tous ceux qui s'évertuent à des actions vouées avant tout à l'archivage grâce à des maîtres collecteurs d'information comme Walid Raad.
Quoi qu'on pense de son travail, "Les Louvres and/or Kicking the Dead" prouve qu'il est un artiste complet dont on suivra désormais les nombreuses interventions, performances ou happenings. |