Monologue dramatique de Valère Novarina dit par Claude Merlin dans une mise en scène de Claude Buchvald.
Le comédien Claude Merlin interprète, dans une mise en scène de Claude Buchvald, le monologue "L’Avant-dernier des hommes" adapté d’un chapitre de "La Chair de L’homme" de l’écrivain franco-suisse Valère Novarina dans une fidélité entière à l’univers de l'auteur avec lequel il a collaboré.
"En parlant je suis devenu sujet des objets". Ces objets sont autant de prétexte à l’exploration du langage qui se déploie sur un plateau nu.
Seule une table occupe, en avant côté jardin, le périmètre de jeu. "Remettre mon corps en moi", comme si cette extériorisation continue de la langue, en interaction avec des objets hétéroclites déversés dès l’entrée en scène du comédien, et dans les allez-venus entre le "je" et le "il" puisse permettre à l’homme de reprendre contact avec son essence intime.
Le vide, vide de l’espace et de l’homme ? La langue, ici maniée, déformée, parfois douloureuse dans la frénésie avec laquelle elle est déployée, occupe le vide que représente ce grand espace scénique sans délimitations.
Dans cette performance, la langue s’échappe, presque malgré elle, de la bouche exaltée du comédien. Cet état de création malgré soi, dans la frénésie d’être devenu autre décrite par Valère Novarina dans son processus créatif, est exposé dans une proximité exploitée par la mise en scène.
Dans une puissante dynamique de transmission, Claude Merlin établit avec le public un dialogue humain théâtral dans lequel il mobilise la force de l’"intime conviction" de son incarnation autant que de l’"adresse" à un auditoire qu’il sollicite constamment du regard.
La solitude de cet avant-dernier des hommes le pousse pour la tromper à une exploration viscérale pour faire émerger la langue, pouvant passer par l’insensé pour illustrer le désordre créateur, le chemin de la recherche.
Cette langue, prose poétique, est une délectation pour celui qui la partage, autant que pour le spectateur emporté par ses retrouvailles avec l’auteur. Les mots sont, dans le regard malicieux de Claude Merlin, empreints de délice dans leur déploiement quand les objets finissent par apparaitre comme prétexte au plaisir savoureux de leur expression.
Rendez-vous où l’on retrouve avec jubilation la "novlangue" que Claude Merlin maitrise avec virtuosité, dans une tension de l’espace maintenu par la langue et urgence de la dire égale à la beauté de cette réincarnation.
A l’issue de cette représentation reste une évidence, cet avant-dernier homme bouleverse.
J. Wattel |