Réalisé par Roberto Minervini. Etats Unis/France/Italie. Documentaire. 2h03 (Sortie 5 décembre 2018).
Avec "What you gonna do when the world's on fire ?", Roberto Minervini poursuit son exploration sans concession de l'Amérique dite profonde.
Après "Le cœur battant" et "The Other Side", deux films dont on avait déjà fait cas, il franchit encore un seuil pour démystifier le rêve américain et la supposée démocratie étasunienne.
En s'attaquant à la question noire, après avoir montre des petits blancs pauvres, drogués jusqu'à la moelle, suprémacistes ou sectaires, il s'enfonce encore de plusieurs degrés dans la description de l'enfer américain où règne une misère certes intolérable mais qui n'est rien en comparaison de l'injustice et de l'oppression dont sont victimes des pans entiers de l'Amérique des gens de peu.
Minervini s'intéresse à une mère de deux enfants qui essaie comme elle peut de les éduquer seule et de leur éviter l'irrémédiable pente qui les mènerait, comme tant d'autres noirs, vers la prison ou la mort violente.
Il s'attache aussi à une battante, Judy, qui lutte pour sauver son bar menacé par la gentrification et doit parallèlement s'occuper de sa mère de 87ans, elle aussi en voie d'expulsion.
Il décrit aussi, sous les traits du "chef Kevin", une communauté mal connue de Louisiane, "les Indiens du Mardi Gras", composée de descendants d'esclaves noirs ayant trouvé refuge chez des Indiens et ayant pu faire souche avec eux.
Paré de ses plumes, le chef Kevin, "Grand Chef des flèches incandescentes", rappelle une histoire occultée dont seule la musique, dans sa fusion afro-indienne, conte encore les grandes heures et les magnifie avant peut-être que les temps puissent hypothétiquement changer...
Enfin, comme dernier sujet, il suit la renaissance presque sous forme de caricature des "Black Panthers" qui manifestent surtout contre les autorités racistes, celles qui tuent au Mississippi ou en Louisiane. Répétant ad libitum les noms des noirs assassinés notamment par les policiers blancs, on les sent démunis et leurs cris contiennent une infinie détresse.
On a beau se complaire à introduire dans le paysage urbain français de rues Martin Luther King ou des squares Rosa Parks, rien n'a changé dans ses États où comme le montre trivialement Roberto Minervini la face dégueulasse du racisme se pavane.
A l'instar de ses précédents documentaires, certains pourront trouver qu'il filme à la limite du voyeurisme, prenant son temps, n'hésitant pas à s'attarder sur un visage ou un lieu.
"What you gonna do when the world's in fire ?" de Roberto Minervini n'est pas un documentaire plan plan de plus. Il confirme le grand talent du réalisateur, sa capacité à rendre signifiant tous les éléments qu'il prend la peine d'inclure dans ses films.
Avec sa trilogie américaine, il se fait sociologue et nous laisse en direct ses impressions fortes. On ne verra jamais plus l'Amérique avec les mêmes yeux et, on l'espère, on pourra en finir avec la propagande cinématographique qui montre ce pays complexe, rongé par une misère criarde et un luxe tapageur, comme un pays de Cocagne alors qu'il constitue peut-être un bien réel enfer. |