Monologue dramatique d'après des nouvelles de Guy de Maupassant conçu et interprété par Alain Payen.
Dernier spectacle du cycle "Les Classiques de La Huchette", cycle dans lequel on avait pu apprécier la très juste et efficace adaptation de "Nana" de Zola par Catherine Sauval, "L'Enfer conjugal" proposé par Alain Payen regroupe plusieurs nouvelles de Guy de Maupassant traitant d'affaires judiciaires concernant des hommes ayant brisé le contrat matrimonial de manière cavalière ou pour le moins expéditive.
Alain Payen, l'un des "Monsieur Smith" de "La Cantatrice Chauve" qui continue de faire rayonner l'oeuvre d'Eugène Ionesco dans la version de Nicolas Bataille à la Huchette, a d'emblée trouvé la vérité de son personnage,le juge Saval,qu'on va retrouver à divers âges de sa carrière, d'abord juge de paix, puis,vingt ans après,juge d'assises et enfin en toute fin d'existence.
D'abord "L'Enfer conjugal" sera vu sous l'angle du vaudeville, avec l'histoire d'un paysan normand qui, sous l'emprise de la boisson, voulait vendre sa femme au mètre cube. Puis, ce sera le tour d'un sacristain exigeant des espèces sonnantes et trébuchantes pour services rendus en "fécondant" une bonne bourgeoise...
Chacune des histoires contées vaut son pesant de rires. Alain Payen, dans sa redingote d'époque, alterne le flegme du juge et l'esprit malin et matois des paysans normands si chers à Maupassant. Ayant choisi avec soin des extraits de plusieurs courts textes, Alain Payen réussit à les rendre si cohérents qu'on a l'impression qu'ils sortent tous du même roman.
A la fois drôle et émouvant, il construit un récit qui, peu à peu, fait gagner en épaisseur son personnage central. S'il dessine en s'amusant une sociologie crédible des paysans normands de Maupassant, il réussit à créer avec le juge Serval un caractère à La Bruyère qui, en vieillissant,finit par ne plus s'amuser devant ces cas de plus en plus graves qu'il doit juger.
Toute l'espèce humaine défile devant lui et le juge en cours d'assises affronte une humanité encore plus noire que celle qu'il côtoyait jeune juge de paix. Cette noirceur déteint sur lui et,vieux monsieur n'ayant d'autre horizon que la mort,il s'interroge sur le sens d'une vie pas plus satisfaisante que celles qui ont bifurqué selon ses jugements.
Après avoir fait bien rire, Maupassant sait émouvoir et Alain Payen, en allant sans efforts apparents de la gaité à la tristesse, donne à voir tout son art et celui d'un écrivain qui a su peindre avec sa plume les hommes comme ses contemporains impressionnistes ont su les peindre avec leurs pinceaux.
Un mélange harmonieux des genres totalement convaincant.
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