"America ! Americana ! America -nah ! The big monsta, the pigs kill men with the pigments darka" "Love only loves, it couldn’t begin to discriminate." "Savage histories, brutal legacies, illusory democracies, feudal tendencies…"
Qu’Ambrose Akinmusire soit un immense musicien, cela ne semble plus faire de doute, au cas où, vous devriez jeter plus qu’une oreille à : Prélude to... Cora (2008), When the heart emerges glistening (2011), The imagined savior is far easier to paint (2014), A rift in decorum (2017), mais avec ce tourbillonnant et jouissif Origami Harvest, il semble avoir encore franchi une étape.
Origami Harvest est né d’un défi lancé par Judd Greenstein de l’Ecstatic Music Festival de Manhattan et Kate Nordstrum de la série de concerts Liquid Music de St. Paul. Une phrase simple : "Quelle est l'idée la plus folle que vous ayez ?". En résulte un disque comme un grand tout : mélodique et rythmique, politique et contestataire, poétique et dur, masculin et féminin, savante et populaire, jazz, hip-hop, soul, classique... Compliqué mais pas alambiqué, aussi simple et totalement évident que complexe et obligeant à un certain recul. Du jazz audacieux et vivant comme on l’aime. Un vrai bouillon de sorcières circa 2018.
Le trompettiste se donne les moyens de ses ambitions : jouent avec lui le Mivos String Quartet, le batteur Marcus Gilmore, le saxophoniste Walter Smith, le claviériste Sam Harris et le rappeur Kool A.D, (sans basse donc) et sait autant apposer totalement son empreinte (avec sa façon à lui d’improviser, ces changements de tonalités, la narration en spirale) que s’effacer derrière les autres musiciens. Il joue peu en définitif.
Ces chansons répondent au climat politique irrespirable actuel, notamment les tensions raciales, le repli sur soi (L'origami comme un effet miroir) et la pauvreté. "A blooming blood fruit in a hoodie" est une référence directe à Trayvon Martin et dans "Free, White et 21" sont égrenés les noms d’Américains noirs morts de brutalité policière. Pourtant, dans ce même titre, on entend "We are not protest songs" rappelant que rien n’est vraiment simple. Le hip-hop prend toute son importance ici, Kool A.D est très présent, mais nous savons à quel point les frontières entre ces deux genres sont poreuses.
Origami Harvest rappelle des figures aussi importantes que Carla Bley, Ornette Coleman, Miles Davis, Steve Reich, George Crumb, Quincy Jones ou Lalo Schifrin. Il possède une qualité mélodique incroyable, un sens pointu de l’écriture (assez marqué rien que pour le quatuor à cordes entre lyrisme et dissonances), du rythme (ah ce groove...). Nous n’avons pas fini de faire le tour de l’un des plus beaux et captivants disques de l’année 2018...
# 13 septembre 2020 : On ira où tu voudras quand tu voudras
Cet été indien qui s'annonce n'est pas désagréable et apporte un peu de joie dans cette année bien triste. Plus modestement, voici notre sélection culturelle de la semaine pour vous réjouir, espérons-le, avec évidemment le traditionnel replay de la Mare Aux Grenouilles #10 toute fraiche