Etre au cœur de l’actualité, nous offrir un bel ouvrage contemporain, c’est sûrement l’ambition des éditions de L’Observatoire avec cette rentrée littéraire qui s’ouvre ce mois-ci avec la parution d’un ouvrage court et percutant, écrit par une journaliste, Anaïs Llobet.
Anaïs Llobet est une journaliste qui a été en poste à Moscou pendant cinq ans. Elle a suivi l’actualité russe et effectué plusieurs séjours en Tchéchénie, où elle a couvert notamment la persécution d’homosexuels par le pouvoir local. Déjà auteur, d’un premier roman en 2016, elle revient avec un nouvel ouvrage, Des hommes couleur du ciel.
L’histoire débute aux Pays-Bas en 2017, plus précisément dans la ville de La Haye. Un attentat vient d’être perpétré, touchant un lycée. Un élève d’origine tchéchène en serait le responsable. Autour de cet événement, trois êtres, trois personnages et trois destins que l’on va suivre au fil du livre. Oumar, d’abord, jeune tchéchène réfugié à La Haye, qui passe son bac, se fait appeler Adam, boit des vodka-orange et embrasse des garçons dans l’obscurité des clubs. Il ne vit sa liberté que prudemment et dissimule sa nouvelle à son jeune frère, Kirem, à la colère muette. Allissa, elle, est devenue Alice, enseignante au lycée, cachant ses origines russes à ses collègues et son compagnon, l’obligeant à naviguer entre les deux cultures. Trois intégrations qui s’entrechoquent construisent le livre. Adam est intégré, Alice tente de s’intégrer quand Kirem refuse l’intégration.
C’est donc un ouvrage sur l’exil, l’intégration et l’identité que nous propose l’auteur. On suit l’évolution de trois personnages qui veulent reconstruire leur vie en Europe, loin de la Russie et de la Tchétchénie. Il nous montre les difficultés d’adaptation à une culture qui n’est pas la nôtre. L’intégration est un travail de longue durée qui se fait seul, il n’est pas toujours simple de se libérer de ses racines.
L’identité sexuelle est aussi au cœur du livre qui parle aussi de l’homosexualité d’Adam. L’homosexualité n’est pas acceptée en Tchéchénie, il est donc extrêmement compliqué de l’assumer. Là-bas, il n’existe pas de mot pour dire ce qu’est Adam, seulement des périphrases le désignant comme un homme "couleur de ciel".
Les récits d’Oumar et d’Alice s’enchaînent, sous la forme de chapitres courts et percutants, qui donne beaucoup de rythme à l’histoire. Ils nous font réfléchir, beaucoup réfléchir. La vie de ces exilés est faite de questionnements, de positionnements qui nous amènent à nous interroger et c’est bien là la grande qualité de ce livre qui ne peut laisser le lecteur indifférent.
Au travers de l’ouvrage, la réalité rattrape très vite la fiction. Il s’avère être une lecture indispensable pour mieux comprendre l’exil, l’integration et l’homosexualité. Des hommes couleur du ciel est un livre fort, un récit coup de poing qui frappe là où ça fait mal. |