Réalisé par Billy Wilder. Etats Unis. Comédie. 2h05 (Sortie septembre 1960). Avec Jack Lemmon, Shirley MacLaine, Fred MacMurray, Hope Holiday, Naomi Stevens, Joyce Jameson, Edie Adams et Ray Walston.
Dans la filmographie impressionnante de Billy Wilder, chacun trouvera son film préféré. "The Apartment(La Garçonnière" vient rarement à l'esprit car il n'a rien d'un "film préféré" puisqu'il est objectivement un film presque parfait, un film de premier de la classe, avec ces nombreux oscars et son sujet universel mais tellement américain.
Pourtant Billy Wilder a dit que c'était avec "The Big Carnaval" ("Le Gouffre aux chimères")... son film préféré.
En le revoyant, on comprend pourquoi : tout y est évident, simplement évident. D'ailleurs, le réalisateur l'a aussi dit et redit. Toutes les scènes s'enchaînaient sans problème (c'est la seconde collaboration de Wilder avec le scénariste I.A.L Diamond après "Some like it hot (Certains l'aiment chaud)" au point que son montage est l'un des plus fluides de l'histoire du cinéma.
Autre trait de génie de Wilder : avoir donné la vedette à Jack Lemmon alors qu'au départ c'était son partenaire de "Certains l'aiment chaud", Tony Curtis, qui devait être opposé à Shirley Mac Laine.
Lemmon est ici l'étasunien moyen infantilisé par sa hiérarchie, prêt à toutes les petites indélicatesses pour lui plaire et lui complaire. Dans les décors d'Alexandre Trauner, qui anticipent en mieux ceux de "Play TIme" Jack Lemmon vaut largement Monsieur Hulot. Et c'est vrai que Calvin Clifford Baxter annonce Mister Hulot, sans son schématisme mutique.
"La Garçonnière" de Billy Wilder a été adaptée récemment au théâtre par Judith Elmaleh et Gerald Subleyras. Elle a connu un franc succès et ce n'est pas étonnant puisque, au départ, Wilder voulait en faire une pièce de théâtre... et que c'est justement parce qu'il ne pouvait pas reconstituer au théâtre ces bureaux dans lesquels cohabitaient plusieurs dizaines de secrétaires ou de bureaucrates, qu'il a songé à un film.
Totalement synchrone avec son époque, "La Garçonnière" de Billy Wilder raconte l'ère du gigantisme américain, ses grandes corporations où l'homme moyen n'est rien et dont les têtes dirigeantes n'ont aucune morale.
Pouvant n'être vu et lu qu'en s'intéressant au face à face de Shirley MacLaine et Jack Lemmon, ces deux monstres sacrés qui se retrouveront d'ailleurs dans "Irma la Douce" du même Billy Wilder, le film n'en reste pas néanmoins une sévère satire du capitalisme décomplexé par sa puissance.
On y constatera qu'à l'orée des années 1960, extrême limite de l'âge d'or d'Hollywood, le cinéma des grands maîtres encore en activité était encore d'une ambition folle.
Derrière une comédie de pur divertissement passaient beaucoup de critiques et l'on avait presque le sentiment que Wilder aurait pu lui aussi parler de cauchemar américain.
On le disait cynique et sans réelle compassion pour ses concitoyens de fortune. "La Garçonnière" prouve tout le contraire : il faut une sacrée foi en l'homme pour sauver du naufrage un petit personnage aussi méprisable que Jack Lemmon qui, mine de rien, n'est pas loin d'être l'acteur étasunien du siècle. |