Performance chorégraphico-musico-théâtrale conçue et mise en scène par Laetitia Guédon sur un texte de Koffi Kwahulé, avec Nicolas Baudino, Eriq Ebouaney, Willy Pierre-Joseph et Yohann Pisiou. Laetitia Guédon a souhaité proposer un spectacle à la confluences des disciplines artistiques sur la figure du peintre américain Jean-Michel Basquiat, fulgurance artistique des années 80 dont la mort prématurée a forgé sa légende comme elle l'a fait intégrer celle du mythique Club des 27 forgée dans la décennie précédente avec la disparition au même âge de plusieurs célébrités du rock et du blues.
Elle a judicieusement missionné le romancier et dramaturgeKoffi Kwahulé dont la partition incantatoire, nonobstant l'instillation de quelques repères biographiques et de la rencontre déterminante avec le blanc albinos (Andy Warhol), ne ressort pas au biopic mais à l'évocation et ce, de la genèse d'un artiste.
En effet, l'opus intitulé "Samo, a Tribute to Basquiat" est centré sur l'adolescence d'un jeune homme en rupture de ban avec sa famille, déchiré entre la relation paradoxale avec un père violent et une mère "folle", qui, dès l'adolescence, s'immerge dans le milieu underground new-yorkais pour réaliser son rêve de gloire. Un rêve et une préscience pour laquelle il revendique son statut d'américain pour subsidiariser son origine ethnique, portorico-haïtienne, et refuser la catégorisation de peintre caribéen producteur d'un art primitif empreint du vaudou pour s'inscrire en fer de lance d'une "neo form of art".
Scandé par l'antienne "J’aurai la patience d’un roi pour me hisser jusqu’à la couronne de mon destin", il retrace ses débuts de peintre autodidacte qui, à l'instar de nombre d'artistes sans atelier, commence par le "street art" avec pour première signature "Samo", pseudo-acronyme de son cri de guerre "Same old shit".
S'y retrouvent les codes d'écriture de l'auteur tenant à la poétique du verbe et à la rythmique jazzique sur laquelle se greffent la composition musicale de slam-rap de Blade Mc/AliMBaye et l'insertion de quelques standards revisités par Nicolas Baudino.
A la manière plasticienne, Laetitia Guédon mène avec brio et cohérence cette performance chorégraphico-musico-théâtrale dans une scénographie minimaliste de Emmanuel Mazé, point de documents d'archives ni de reproduction d'oeuvres, mais la projection d'une création vidéo symbiotique de Benoît Lahoz.
Sur scène office un quatuor émérite avec le saxophoniste Nicolas Baudino en charge de la bande son et au jeu, en direct, des lignes pour cuivre des morceaux de jazz, Eriq Ebouaney endossant le rôle de narrateur emphatique et la figure paternelle et le danseur-chorégraphe Willy Pierre-Joseph, versé en Hip-Hop et Dance Hall, qui incarne un double poétique. Et le comédien Yohann Pisiou qui dispense une prestation époustouflante au terme d'une interprétation aussi fascinante qu'empathique. Il prête ses traits pour une incarnation janusienne, celle de l'ange radieux et de l'enfant rebelle et déterminé et porte haut et clair la parole de Basquiat magnifiée par Koffi Kwahulé. Une entreprise chorale réussie pour un bien bel et maîtrisé hommage. |