Comédie dramatique de Alexandre Dumas dans l'adaptation de Jean-Paul Sartre, mise en scène de Alain Sachs, avec Alexis Desseaux, Sophie Bouilloux, Justine Thibaudat, Eve Herszfeld, Frédéric Gorny, Stéphane Titeca, Pierre Benoist et Jacques Fontanel.
Créé sur les planches en 1836 par Frédéric Lemaître, "Kean" a eu les honneurs du cinéma muet avec Ivan Mosjoukine et parlant avec Vittorio Gassman. Pour son retour au théâtre dans les années 1990, Jean-Paul Belmondo s'est aussi confronté à la vie du grand acteur anglais, revue et corrigé par Alexandre Dumas... et Jean-Paul Sartre.
Le jeune Dumas, dans les pas de Hugo et de Musset, avait fait de "Kean" un acteur soumis aux tourments romantiques. Un siècle plus tard, Jean-Paul Sartre le transforme en un être aux portes de la folie, supportant mal sa double identité de comédien et d'être humain et son rapport au pouvoir et à la gloire.
Alain Sachs, plus modestement, a voulu en faire un personnage facétieux, aimant les femmes et le luxe, dépensant trop, tutoyant le prince de Galles et en pleine contradiction entre une vie dissolue et sa qualité d'acteur génial.
C'est donc une comédie brillante, pleine de rebondissements que l'on va découvrir ici. Sous les traits du comédien shakespearien le plus renommé de son époque, Alexis Desseaux n'a pas la tache facile. Il doit à la fois jouer un acteur excessif, qui en fait beaucoup, et s'imposer comme un comédien qui connaît ses limites et ses fragilités. On peut dire qu'il s'en tire à son avantage et qu'il parvient à faire croire qu'il est "un grand comédien" et pas quelqu'un qui joue à l'être.
Sa grande silhouette en robe de chambre occupe la scène la plupart du temps et il est parfaitement aidé par des partenaires qui prennent plaisir dans cette comédie à costumes signés par Pascale Bordet, garantie d'une garde-robe impeccable pour chacun d'entre eux.
Entre la femme de l'ambassadeur du Danemark (Sophie Bouilloux), son mari (Jacques Fontanel) la jeune Anna (Justine Thibaudat) et le prince de Galles (Frédéric Gorny), Kean-Desseaux navigue dans les eaux légères du vaudeville vraiment divertissant.
Pierre Benoist, Stéphane Titeca et Eve Herszfeld complètent cette distribution qui occupe sans faiblir une scène période post-Premier Empire bien évoquée par les décors de Sophie Jacob.
Pas la peine, au final, de se demande ce qu'a ajouté Jean-Paul Sartre à Alexandre Dumas, car on soupçonne Alain Sachs de ne pas l'avoir pris au sérieux comme adaptateur d'un si fameux raconteur d'histoires prétendument historiques.
Parfaitement orchestré, ce divertissement ni poussif ni poussiéreux fera passer un joli moment à ceux qui n'en demandent pas plus au théâtre. |