Comédie dramatique écrite et interprétée par Julien Cigana et Nicolas Devort dans une mise en scène de Clotilde Daniault. Sur un plateau nu, ils sont deux acteurs, Julien Cigana et Nicolas Devort, jeans et T-shirts sombres sur leurs deux tabourets. Deux acteurs seulement pour interpréter les 7 personnages de cette pièce qui ne rentre dans aucune case.
Tout à la fois jonglerie théâtrale, qui fait passer les deux comédiens d’une peau à une autre dans un exercice de style parfois déroutant pour le spectateur, ou bien fresque familiale romanesque dont les caractères hauts en couleur de la famille Lachassette pourraient sortir d’une œuvre de Marcel Pagnol, voire huis clos étouffant où les non-dits et les inimitiés prennent le pas sur l’amour pourtant réel que pourraient se porter les personnages.
Comment ne pas penser à Jean-Luc Lagarce en effet, face à cette matriarche qui réunit au crépuscule de sa vie les hommes de son existence, son mari et ses deux fils, avec l’espoir secret de faire imploser les barrières qu’ils se sont eux-mêmes crées et leur faire comprendre à leur cœur défendant, de quel même bois ils sont pourtant faits.
Grâce à une mise en scène ciselée de Clotilde Daniault qui ne laisse aucun déplacement ni aucune transition au hasard, "Le bois dont je suis fait" permet aux deux comédiens de livrer une prestation qui force l’admiration, soit 1h30 d’un jeu à bâtons rompus qui donne parfois le tournis.
Ils passent en quelques secondes et alternativement du délié de Mireille, la mère, aux épaules rembrunies de Jacques le père intransigeant, aux allures pataudes de Stanislas le fils ainé ou aux grands gestes droits comme la justice de Tristan le rebelle, sans jamais "s’emmêler les pinceaux" et avec une aisance que seul le talent et beaucoup d’entrainement permettent d’acquérir.
Passé les débuts un peu déroutants, le spectateur se laisse aisément emporter par cette histoire à tiroirs qui questionne nos racines, nos principes, notre devoir d’émancipation, mais également notre aptitude au bonheur et au pardon.
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