Comédie dramatique écrite et mise en scène par Pierre Notte, avec Muriel Gaudin, Caroline Marchetti, Kim Schwarck, Amandine Sroussi et Paola Valentin. Avec "Les couteaux dans le dos", Pierre Notte, comédien, metteur en scène et musicien, inscrivait à son actif d'auteur dramatique un bel exercice de style placé sous les influences revendiquées de grands noms des arts, du théâtre, de la littérature et du cinéma, de Shakespeare à Pasolini en passant par Cocteau et Ibsen.
Avec, et entre autres, un sens de l'aphorisme cioranien, du loufoque dubillardien et une écriture post-punk qui induisent des résonances contemporaines, il signe une partition ressortant à la version théâtrale du roman d'apprentissage.
Conçue sous forme de tableaux, elle se présente comme un texte kaléidoscopique qui tient de la tragi-comédie, de l'épopée onirique et de la fable surréaliste, dans lequel il décline ses thèmes récurrents - la famille pathogène, les blessures d'enfance, l'incommunicabilité, la dérive adolescente et la fascination de la mort - avec la fugue épique d'une jeune fille enfermée dans une phobie du corps et de l'émotion et hantée par une pulsion suicidaire.
L"opus, datant d'une décennie qui n'a ni pris une ride au plan dramaturgique ni perdu de sa judicieuse approche de la psychopathologie de l'adolescence, au demeurant confortée par un parcours personnel que Pierre Notte a retracé dans un récit autobiographique paru en 2017 ("J'ai tué Barbara "), plonge dans un monde noir, noir comme le plateau, les accessoires, les costumes conçus par Christian Gasc et les lumières expressionnistes de Antonio de Carvalho.
Face à l'épreuve de l'adolescence et aux premiers renoncements, la petite Marie (Paola Valentin touchante) se débat sur le chemin du secret et de la morale de la vie, "parce qu’il y a du danger à vivre quelque chose plutôt que rien" comme l'indique l'auteur, et expérimente les ailes de l'innocence qui, devant le si vaste espace du monde, deviennent des couteaux plantés dans le dos. "à couteaux tirés" (Caroline Marchetti époustouflante en mère hystérique et Amandine Sroussi désopilante en père sous tension) et que les autorités sociétales sont dénuées de compassion (Muriel Gaudin parfaite). Heureusement, elle est néanmoins soutenue par les belles figures d'une grand-mère bienveillante et d'un amoureux et double gardien de phare (Kim Schwarck lumineuse).
Pierre Notte assure une mise en scène distanciée plaçant ce conte noir sous le signe d'un burlesque cathartique scandé par des chansons-comptines, quelques pastiches symbolistes et d'impertinentes - et jubilatoires - scènes chorales quasi-chorégraphiées telles celles du diner des regrets et de la sarabande des "trollettes".
Au jeu, le quintet, aussi fougueux que talentueux, dispense une prestation émérite à saluer sans modération. |