Comédie dramatique d'après le récit éponyme de Mercè Rodoreda, mise en scène de Gilles Bouillon, avec Martine Pascal et Gregor Daronian.
Créée en 1998 dans une version française de Michel Cournot et Gilles Bouillon, "La Place du Diamant", est une pièce de Mercè Rodoreda, d'après son roman éponyme. Elle revient donc vingt ans après, cette fois-ci loin de la grande scène de Chaillot, dans un dispositif minimal (une estrade sur laquelle est installée une chaise et quelques objets épars, comme une robe de mariée et des pigeons).
Martine Pascal, fière et hiératique, raconte la vie de Natalia, une jeune Catalane prise dans les feux de la guerre civile espagnole et qui va en subir la violence dans sa chair et dans son âme. Entre la mort de son mari, qui l’appelait "Colometa", lui qui voulait élever des colombes, et la faim qui la terrasse elle et ses enfants, elle raconte, elle se raconte...
Née dans le camp républicain, comme tous les pauvres gens de Catalogne, cette femme qui n'a pas d'idéologie découvrira effarée que les riches pour qui elle a travaillés ne l'aiment pas, voire la haïssent. Elle, toute simple, toute bonne, n'aspirant qu'à une vie heureuse avec les siens a du mal à comprendre ce qui se passe, ce qui la dépasse.
Dans son récit sans apprêts, elle va à l'essentiel et touche directement le cœur des spectateurs. Sur scène, un jeune garçon (Gregor Daronian), hors estrade, l'écoute plus qu'attentivement. Il ne la quitte pas des yeux, enregistrant tout ce qu'elle dit, afin que cette mémoire ne disparaisse pas.
Sur le mur en fond de scène, il y a punaisé une petite reproduction de "Guernica", comme le symbole de la "grande" histoire alors que dans cette "Place du Diamant", Martine Pascal exprime la voix de ceux qui ont vécu au quotidien des événements à leur échelle, mais qui, bout à bout, aboutissent à l'Histoire majuscule.
Jamais monolithique, même si elle s'accroche à un récit d'un ton monocorde, simplement étonnée quand le bonheur passe furtivement dans son océan d'épreuves, elle donne à ce texte fort tout son relief. Martine Pascal fait de Colometa un être droit, altier, qui ignore les mots "plier" et se "plaindre". Sait-elle seulement qu'elle pourrait revendiquer le statut d' "héroïne" ?
En tout cas, pas une seconde pendant qu'elle parle, qu'elle montre le peuple catalan en butte aux espagnols franquistes, sans jamais aucune parole haineuse, on ne quittera son attention.
Toujours mise en scène par Gilles Bouillon, qui ne cesse de la servir, Martine Pascal ne se permet aucun effet. Pour ceux qui auront eu la chance de la voir ou de la revoir, elle est désormais "Colometa" pour toujours. |