Comédie dramatique écrite et mise en scène par Gilles Gaston-Dreyfus, avec Dominique Reymond, Gilles Gaston-Dreyfus et Stéphane Roger.
Nonobstant son titre "Veillée de famille" calqué sur l'expression "Album de famille", l'opus de Gilles Gaston-Dreyfus ne traite pas vraiment d'une soirée au coin du feu dans la douce intimité familiale avec l'évocation de joyeux souvenirs d'hier.
Car, implicitement télescopé avec celle de veillée funèbre, il s'arcboute sur le thème de la mort de la mère, cet événement majeur dans la vie de l'homme, et ce, quelles que soient la nature maternelle, qu'elle réponde ou non aux critères de "la bonne mère", et la survenance chroologique de son décès, qui clôt définitivement le monde de l'enfance.
En l'espèce, un dimanche, à la suite d'une alerte sur l'état de santé de leur mère à l'agonie, dans l'attente du médecin et entre deux râles transmis par babyphone, deux frères, Guillaume l'aîné et Yvan le cadet, et la "petite" soeur Jeanne se confrontent à l'imminence de cette mort imminente qui les plonge dans une situation paradoxale et dans une rédition de comptes façon "liquidation avant fermeture" où la bataille ne concerne pas encore les petites cuillères.
Après l'exploration du pandémonium conjugal dans "Couple", l'auteur, comédien et metteur en scène Gilles Gaston-Dreyfus expose, avec ce décalage surréaliste qui évoque les écritures dramaturgiques de la Mitteleuropa, la psychopathologie d'une fratrie de cinquantenaires.
Et il décrypte, entre burlesque et grotesque et avec un humoir noir explosif, le lien fraternel, également paradoxal entre amour et haine, à travers la réminiscence de frustrations, jalousies et ressentiments mesquins encore douloureux faute de résilience.
Dans le décor synthétique de Chantal de La Coste et les lumières crues de Fabrice Combier, trois comédiens émérites campent magistralement le trio de garnements aux allures de clowns visnieciens de ce psychodrame en forme d'hilarant jeu de massacre ponctué de fous rires.
D'autant que Dominique Reymond, Gilles Gaston-Dreyfus et Stéphane Roger possèdent la maîtrise de la dramaturgie du corps qui dévoile le flux de pensée de chacun des protagonistes.
C'est drôlement furieux et furieusement drôle. La vie quoi ! |