Québécois installé à Bordeaux, Eric Plamondon propose un roman intime au cœur des remords d’une héroïne déchirée par ses actes passés : Oyana.
Le roman commence sur une certitude, inéluctable : l’ETA n’existe plus. Organisation armée basque d’inspiration marxiste, peuplant les maquis de jeunes passionnés avides d’indépendance et de liberté, l’ETA fit la une sanglante de nombreux JT nationaux. Intimidation, assassinats, extorsions et enlèvements, la liste de leurs crimes est longue. Oyana en est. Fièrement en son temps.
Jeune et amoureuse, on reconnaît aisément l’ado rebelle, la fleur aux dents et les convictions enragées. Jusqu’au tragique. Jusqu’à la mort. Par sa faute. Elle doit fuir. Sans se retourner. C’est la règle pour garder la vie sauve.
Voilà vingt ans qu’elle a fui son pays, sa nation, ses racines. Parce qu’elle est complice d’assassinat. Parce qu’elle perdit le droit de vivre sur son sol en devenant une meurtrière. Vingt ans. Et les premiers mots d’Eric Plamondon ne tergiversent pas : le cœur d’Oyana est resté au Pays Basque alors que sa vie continuait au Québec.
Oyana est un croisement de communiqués de presse, insérés avec une froideur journalistique entre les lettres d’une femme qui ne conçoit plus de vivre dans ce mensonge perpétuel, mensonge à son mari, mensonge à elle-même. Ce sont ses lettres que nous lisons, de leur rencontre à ses souvenirs qui la rongent. Pour ne pas rester dans le doute, pour affronter les regards et sa propre culpabilité.
Le portrait épistolaire d’une femme déracinée, perdue à jamais dans les innombrables conséquences d’une seule décision, d’un seul "oui". Oyana porte en lui matière à réfléchir sur ses choix. Comme les baleines s’échouent inexplicablement sur les plages, Oyana retourne sur ses pas, vingt ans plus tard, avec la certitude que tout est oublié puisque l’ETA est dissout. Vraiment ? Auront-ils oublié alors qu’elle-même ravive la flamme du souvenir ? Mais c’est plus fort qu’elle, il faut qu’elle sache.
Eric Plamondon a écrit là un peu plus qu’une histoire de nationaliste basque, un peu plus qu’une histoire de femme tourmentée, il fait d’Oyana un symbole du militantisme, il fait d’Oyana un hommage aux vies gâchées par les combats des autres. Et ce n’est pas rien, il rend les combats d’ETA un peu moins bestiaux, un peu plus humanisés.
Il n’est pas aisé de garder sa fierté, Oyana a le port de tête d’une reine, ce ne sont pas les remords qui l’habitent, seulement la déception de constater qu’il aurait pu en être autrement. Ce n’est pas la même chose. ETA a livré une guerre, son histoire sera écrite par ses adversaires, Eric Plamondon lui attribue une âme. Fougueuse jusqu’à la dernière ligne. |