Pour célébrer les vingt ans du succès de son album Bending New Corners, le trompettiste de jazz français Erik Truffaz a invité le rappeur Nya, son ancien complice, à l’occasion d’une grande tournée.
Sur la scène de l’Aéronef, le concert, très vivant, nous a rapidement séduits, du fait de la vivacité du trompettiste, de la puissance et l’élégance de Marc Erbetta à la batterie, de la nervosité de Marcello Giuliani à la basse, et surtout de la parfaite maîtrise de Benoît Corboz aux claviers (piano et Fender Rhodes). L’âme de Miles Davis rôdait sur la scène de l’Aéronef, on pouvait s’autoriser à le croire.
La présence du chanteur anglophone Nya a ainsi donné au concert une orientation plus colorée, basée sur un brassage des styles, favorisant une certaine libération des rythmiques, à la fois jazz et hip-hop, centrée sur un son électronique assez proche du drum’n’bass, du groove ou de l’ambient : n’oublions pas que Nya a effectivement participé à cet album fondateur Bending New Corners, bien que ce soit sur un nombre assez limité de titres – ces textes slammés et accentués par une voix grave et une solidité du phrasé ont créé une alchimie musicale hors du commun, qui était, pour nous spectateurs, un véritable plaisir.
Force est de constater que la simplicité de la formation classique piano-contrebasse-batterie-trompette est celle qui permet toujours la plus grande liberté ainsi qu’une forte inspiration : la composition du groupe est d’autant plus simple et réduite que la profondeur musicale est dense, ouvrant un espace où se libèrent de grandes possibilités sonores, d’une richesse insoupçonnée, notamment sur ces morceaux de plus de dix minutes qui nous emmènent loin : morceaux assurément d’une grande vigueur, et planants.
Le charme vient indéniablement de ce dialogue serré entre les instruments : ce fait qu’un lien fort et unique continue de les unir – et c’est ce dialogue qui fait que cette musique ne vieillit pas, et reste neuve, traversée ça et là par des accents inédits (dilatation du temps, alternance des instruments, lignes d’improvisations bien senties…).
Voici donc un concert organique porté par des musiciens de très haut niveau, qui nous aura assurément donné en vie de nous plonger dans une discographie vaste, variée, difficile à épuiser.
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