Comédie dramatique de Métie Navajo, mise en scène de Cécile Arthus, avec Clémentine Billy, Ghislain Decléty, Lucie Digout et Issam Rachyq-Ahrad. Salomé n'en peut plus : elle va entrer à l'Eldorado Dancing, le temple de fête, candidate en direct pour l'émission la plus suivie par la jeunesse de "Merlin le démon" l'animateur-vedette : "Fête dans ta tête", qui retransmet minute par minute et fait réagir les internautes aux comportements des candidats, évalués par leur popularité sur la toile.
Devant l'entrée impressionnante de la boîte de nuit à la mode, Sofiane, lui, n'a pas la même chance : il est recalé par les caméras de vidéo surveillance surplombant de part et d'autre la grille d'entrée de la discothèque où des portiques "anti-fraude" ont été installés (parfaite scénographie d'Estelle Gautier).
Après son formidable "Taisez-vous ou je tire" il y a deux ans, Cécile Arthus poursuit son dyptique "Jeunesses et violence" avec ce deuxième volet, "Eldorado Dancing" (toujours écrit par Métie Navajo), fable futuriste dans un univers proche où réel et virtuel se confondent.
Dans ce futur pourtant aisément imaginable où les quartiers de banlieue sont classés en "zones" et les policiers, devenus "agents de prévention et de médiation", décernent points et avertissements et présentent des bulletins réguliers à la manière des flashs météo, la mésaventure de Sofiane montre tout l'arbitraire des préjugés et l'engrenage de la violence.
Passionnant, souvent glaçant, "Eldorado Dancing" ouvre quantité de pistes de réflexion sur le désarroi d'une jeunesse obsédée par la communication et par le virtuel. Les deux personnages principaux cherchent tous deux à trouver leur place dans un monde dont ils se sentent exclus.
La pièce de Métie Navajo, d'une écriture à la fois rythmée et lyrique ménage un rayon d'espoir quant à la possibilité pour les jeunes de changer leur futur. En s'entraidant, Salomé et Sofiane montrent qu'une autre issue est possible.
On retrouve dans "Eldorado Dancing", la même qualité d'interprétation que dans "Taisez-vous ou je tire". Tous les comédiens, habilement dirigés par Cécile Arthus qui livre une mise en scène à la fois nerveuse et poétique, sont sensationnels.
Clémentine Billy, Issam Rachyq-Ahrad, Lucie Digout et Ghislain Declety portent avec sincérité, humour et énergie un spectacle qui pose un regard aiguisé sur la société actuelle et une jeunesse déboussolée qui tente d'y exister.
C'est fort et brillant, indéniablement pertinent. |