Comédie dramatique de Eugène Ionesco, mise en scène de Bernard Levy, avec Thierry Bosc, Emmanuelle Grangé et Michel Fouquet. Qualifiée par son auteur Eugène Ionesco de farce tragique, "Les Chaises" s'avère un terrifiant opus sur le vide métaphysique et le rien, qui résulte de l'irréalité du monde et de l'absence des personnes comme de Dieu, paradoxalement concrétisée par l'omniprésence des chaises.
Il est porté par "mon chou" et son épouse "Sémiramis ma crotte", un couple de presque centenaires répandus dans le naufrage de la vieillesse, se préparant à un événement répondant à cette obsession de la trace comme conjuration de l'effacement.
Cet acmé de leur existence, une existence ordinaire, banale et commune de "ratés sociaux et dérisoires" dixit Ionesco, consiste en la délivrance ultime, dans tous les sens du terme et par la voix d'un orateur professionnel, devant une large assistance conviée, d'un message quasi-christique que tout l'univers est censé attendre. Mais ironie du sort, celui se révèlera sourd-muet.
Pour indique-t-il "l’ancrer davantage dans le réel pour en faire ressortir toute l’humanité et une forme de poésie moins attendue", Bernard Lévy met en scène cet opus en s'affranchissant tant des susbtantielles didascalies que du dénouement original en l'inscrivant dans le registre de l'hymne à l'amour conjugal et le syndrome du suicide amoureux à la Philémon et Beaucis sous le regard indifférent d'un tiers malade sous perfusion (Michel Fouquet).
Dans un intérieur vintage rudimentaire, un fantôme de pièce à vivre pour une pièce à mourir que le scénographe de Alain Lagarde a immergé dans une immense cage de verre, Thierry Bosc, en vieillard oscillant entre régression infantile, infatuation désespérée et syllogomanie, et Emmanuelle Grangé, en conjointe maternante et ressassante jouent parfaitement cette fin de partie en lui apportant une belle charge émotionnelle. |