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puce Un tramway à Jérusalem
Amos Gitaï  (avril 2019) 

Réalisé par Amos Gitaï. France/Israel. Drame. 1h34 (Sortie le 24 avril 2019). Avec Mathieu Amalric, Yaël Abecassis, Hana Laslo, Keren Mor, Rotem Abuhav, Liron Levo, Yuval Sherf, Lamis Ammar, Pippo Delbono et Meital Doha.

"Un tramway à Jérusalem" de Amos Gitaï raconte, selon les mots de l’artiste italien Pippo Delbono, "des humanités perdues qui se croisent". Des hommes, des femmes, quelques enfants, qui empruntent cette longue ligne de tramway qu’ils quittent, pour aller on ne sait où. Le film est constitué d’un ensemble de saynètes qui se déroulent toutes dans cet espace étroit.

L’utilisation qu’Amos Gitaï fait de ce décor-personnage, dont la voix (les annonces) ponctue ou interrompt les conversations, est passionnante. Il ne cesse d’avancer, tandis que les personnages, pour un temps certes limité, sont contraints de cohabiter.

Dans chaque scène, tournée en plan-séquence, les personnages se cherchent ou se dérobent les uns aux autres : c’est une femme qui avance pour éviter le vigile trop collant, un enfant qui sautille entre les barres du tramway, une autre femme, en pleine dispute de couple, qui semble se heurter aux vitres, comme un insecte coincé dans une pièce fermée.

L’idée que le tramway, forcément, s’arrêtera, crée une forme de micro-suspense : la femme arrivera-t-elle à sortir avant que la situation ne dérape ? Ces deux femmes parviendront-elles à se dire tout ce qu’elles ont sur le cœur avant d’être séparées ?

Le tramway n’est pas exactement cet espace clos que le dispositif semble favoriser. C’est un espace qui alterne ouverture et clôture, et permet donc séparations et rencontres. A cet égard, l’une des plus belles scènes du film se déroule sur un quai. En gros plan, une jeune fille sourit devant la drôle de chorégraphie qu’un homme, vêtu en militaire et armé, esquisse manifestement pour elle.

Mais ce garçon, qu’on devine jeune, reste flou à l’arrière-plan. De lui, on ne distingue que les gestes, la tentative de séduction sur la femme. Il vient la rejoindre : c’est son petit ami, il part faire son service. Il ne faut pas qu’elle pleure, il faut qu’elle s’amuse. Elle ne pleure pas, elle a déjà prévu tout ce qu’il fallait pour se distraire.

C’est l’histoire d’un amour qui n’est pas rendu, et les tentatives du garçon pour transformer les preuves de l’indifférence de son amie en marques d’amour sont extrêmement touchantes, un peu maladroites. Il ne faut pas qu’il rate le tramway. C’est ainsi qu’ils se séparent.

La rencontre est également au centre du film, et occasionne des scènes comiques assez réussies, à l’image de ce dialogue absurde entre un touriste français (Mathieu Amalric) et un couple très militariste (on reconnaît Yaël Abecassis, l’une des actrices fétiches de Gitaï), ou encore cette mère juive qui discute avec les autres passagers, tout en harcelant son fils pour qu’il fasse des petits-enfants.

Des scènes du quotidien, où l’on parle de soi, où l’on parle beaucoup d’amour. Mais la politique n’est jamais absente de ce tramway, qui parcourt une ville divisée. La présence d’un jeune soldat, la constante surveillance de vigiles, un homme qui dit ne pas vouloir "faire d’enfant dans ce pays" disent les souffrances d’un Etat en conflit permanent.

A de nombreuses reprises, Gitaï rappelle la douloureuse situation des Palestiniens, soupçonnés, soumis à des contrôles d’identité (ironie sinistre dans un monde où leur identité est parfois en suspens, comme l’explique l’une des voyageuses). Ces scènes sont parfois un peu démonstratives, mais mettent en évidence les luttent qui agitent la société, reproduites ici, en miniature, dans le tramway.

Il y a enfin Jérusalem, cette ville qu’on traverse, par temps de pluie ou par soleil, découverte au fur et à mesure des stations. Cette ville tant aimée, tant disputée. Mathieu Amalric, au début du film, lit à son fils les lettres que Flaubert adressa en France durant son séjour en terre sainte. Il y faisait part d’une grande déception : nulle émotion devant les lieux tant rêvés, l’impression d’un vaste mensonge.

On peut sans doute rattacher ce passage à un autre, moins réussi : le monologue en allemand d’une femme, qui parle de tombeau et de pain amer, vision pessimiste et mortifère de cette ville qu’elle traverse. Chacun des personnages dit quelque chose de Jérusalem : sa dimension religieuse (présence d’un prêtre qui récite la parabole de la femme adultère, religieux qui étudient), ses tensions politiques, ses vies si proches des nôtres.

Mais la musique est là, partout. Le soldat joue de l’harmonica, un rappeur engagé arpente le couloir, le touriste et son enfant écoutent un musicien traditionnel… Les supporters de foot chantent leur joie, qui rencontrera la chanson religieuse entonnée gaiement par les étudiants de la Yechiva.

Tous ces chants, auxquelles se mêle la musique des voix, disent mieux que tout la coexistence d’êtres différents, chacun porteur de richesse. C’est ce tissu bariolé et sonore qui fait aussi la beauté de Jérusalem. Le film s’ouvrait sur une femme, qui chantait en hébreu en passant dans les quartiers palestiniens, et se clôt sur une autre femme, qui chante en arabe, alors que le tramway approche du Mont Herzl.

Une belle manière de dire le rêve de vivre, enfin, ensemble.

 

Anne Sivan         
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