Réalisé par Edoardo Winspeare. Italie. Comédie. 1h50 (Sortie le 24 avril 2019).Avec Gustavo Caputo, Antonio Carluccio, Claudio Giangreco, Celeste Casciaro, Davide Riso, Antonio Pennarella et Ippolito Chiariello.
C'est à Disperata, petit village perdu au fond des Pouilles dans le talon de la botte italienne, que se déroule le film "La Vita in Comune" d'Edoardo Winspeare qui sort justement en France sous le titre "Disperata".
A l'heure où la politique italienne a pris un tour nouveau, loin des sempiternelles querelles d'antan entre démocratie chrétienne et parti communiste, immortalisées par l'inoxydable série "Don Camillo, le village de Disperata ("désespérée" dans la langue de d'Annunzio qui a justement écrit un roman portant ce titre) paraît hors du temps.
Le maire, pièce maîtresse de ce film aux multiples personnages, est tellement ailleurs qu'il est...poète. Il vient même taquiner la muse dans la prison locale où il donne des cours aux prisonniers échoués là.
Mais pendant que très loin d'ici, La Ligue du Nord, le mouvement Cinq étoiles et autres joyeusetés politiques modernes font la loi, le maire de Disperata déprime au point de ne pas envoyer à Bruxelles les dossiers qui pourraient lui faire obtenir des aides européennes.
Il contient difficilement les assauts de l'opposition affairiste et même les critiques de la belle épicière quadragénaire, pourtant conseillère municipale sur sa liste...
Bref, ce n'est pas "House of Cards" ni "Game of Thrones" : le pouvoir à Disperata est absent et forcément cela en devient... désespérant, même si les habitants du coin ne semblent pas s'en porter plus mal...
C'est ainsi que le film affiche sa trame gentiment paresseuse avec ses bandits minables dont l'ex-mari de l'épicière qui s'en voudra éternellement d'avoir tué un chien lors d'un "casse" raté et qui expiera son crime canin en devenant lui aussi poète.
En se remémorant "Disperata" d'Edoardo Winspeare, on se demandera pourquoi avec tellement peu d'éléments signifiants le film se suit aussi plaisamment, provoque des sourires, voire des larmes. Il y a ainsi un miracle inexplicable dans ce village cher au réalisateur qui s'appelle en "réalité" Depressa : on y vit.Tranquillement. A l'heure éternelle de l'apéritif et des courses à faire. Les bras cassés et les cas sociaux ruinent le moral du maire mais peuplent les rues de leur présence débonnaire.
"Disperata" d'Edoardo Winspeare a le charme de la vacuité quand elle ne tombe pas dans l'affectation. On y passera un bon moment à l'abri du bruit médiatique, de l'orage qui gronde dans un monde politiquement et écologiquement aveugle. On y croira pendant cent minutes à son soleil éternel, loin des crises migratoires et économiques. Havre de paix, havre de non-fiction, cet endroit préservé renvoie son nom à tout ce qui n'est pas lui. C'est ailleurs qu'est le désespoir, pas à Disperata. |