Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour retrouver Roberto Saviano et son second roman. Baiser féroce arrive quelques mois après Piranhas, dont nous avons parlé sur le site, qui a connu un très grand succès.
Après les évènements tragiques qui clôturent Piranhas, Nicolas, dit Maharaja, a juré de se venger. Il ne reculera devant rien pour conquérir Naples, enterrer les vieux parrains et être couronné roi. Entouré de son baby-gang (qui était au cœur de l’ouvrage précédent), Nicolas n’a jamais semblé aussi proche de son rêve. Le coût du sang est élevé et la course au pouvoir infinie ; les alliances ne durent qu’aussi longtemps que l’argent coule à flots. Désormais craints et respectés, Nicolas et ses frères brûlent leur vie par les deux bouts, au risque de sacrifier ceux qu’ils aiment le plus. Pourtant, ils devront apprendre à perdurer, ce qui est loin d’être simple dans la cité napolitaine.
Il se passe toujours quelque chose dans les ouvrages de Roberto Saviano qui a un talent fou pour nous immerger au cœur de la mafia napolitaine. Comme dans Piranhas, l’auteur prend un malin plaisir à construire son histoire sur un rythme effrénée qui ne laisse aucun temps mort au lecteur pour son plus grand plaisir.
Le livre se lit comme on regarderait un bon film de gangsters avec Al Pacino ou une bonne série mafieuse. Les balles fusent, les corps tombent, les règlements de compte sont légion et on suit le personnage principal dans sa quête effrénée de pouvoir et de vengeance. Prendre le pouvoir n’est pas simple, mais le conserver est tout autre chose et Nicolas et sa bande vont l’apprendre. Il faut nouer des alliances, être sur ses gardes constamment. Il faut sceller des accords, par un baiser féroce très souvent, d’où le titre du livre.
Le sang coule tout au long de l’ouvrage et l’écriture de Saviano est parfaite de réalisme pour nous glacer le sang. La façon dont il décrit cette violence qui s’est installée de façon ordinaire au cœur de Naples et les conséquences qu’elle a sur la jeunesse napolitaine fait froid dans le dos. Là-bas, les jeunes n’ont pas le temps de devenir vieux nous montre le livre. Ils vivent dans l’instant, dans l’immédiateté, sans savoir si demain ils seront encore présents.
Saviano maîtrise parfaitement son sujet, sachant que son roman s’appuie sur des faits réels. Il n’a donc pas d’équivalent pour nous expliquer les différents trafics qui polluent la vie napolitaine, les alliances qui se font et se défont à coup de revolver. Sa description du quartier de Forcella, au cœur de Naples et de l’ouvrage est glaçante de réalisme.
Et en même temps, au milieu des cadavres et des règlements de compte, l’auteur nous glisse aussi une réflexion sur le poids la famille en Italie, sur le rôle des Mama qui luttent pour tenter de protéger leurs fils qu’elles voient partir dans la délinquance dès leur plus jeune âge. Face à elle, un Etat impuissant, parfois corrompu qui les laisse dans le désarroi total.
Baiser féroce est dons un ouvrage puissant et terrifiant qui complète parfaitement Piranhas, sorti à la fin de l’année dernière. Avec cet ouvrage, Saviano parachève son immersion dans l’univers criminel napolitain par une apothéose digne des grands films de voyous. Grâce à une narration toujours aussi percutante, grâce à une certaine authenticité, il nous plonge dans un monde brutal que l’on peut voir comme le reflet de notre société actuelle.
Avec ses deux derniers ouvrages, Roberto ne risque pas d’améliorer sa situation face à la mafia napolitaine. Il continue, dans la lignée de ses essais précédents qui l’obligent à avoir autour de lui une escorte policière permanente, à dénoncer la dimension amorale et violente de la société mafieuse napolitaine. C’est le combat de sa vie, depuis maintenant bien longtemps.
C’est bouleversé par la force du récit et des personnages que l’on referme ce roman palpitant se disant que Naples n’est située qu’à deux heures de chez nous par avion, le tout sans être bien rassuré. |